Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
La première nuit de course fut blanche. La deuxième ne sera pas tellement plus foncée. Hier soir, il a fallu contourner ou plutôt escalader la presqu’île du Cotentin, sans se faire piéger par les courants. Ce mercredi matin, après une ‘ballade’ dans le Raz Blanchard, il a ensuite fallu frayer son chemin entre les îles anglo-normandes, une dizaine de coureurs ayant opté pour un passage plus sud, sous le vent de l’île Sark (Sercq en français).
Virtuoses de la canne à algues
Le tout au près, dans un champ d’algues marines, véritables ralentisseurs pour les Figaro Bénéteau 2. Ces algues s’accrochent par paquet dans les safrans, ou pire, autour des quilles des monotypes, transformant les marins en virtuoses de la canne à algues ou de la pêche à la main, tête dans l’eau. Dans ce contexte, pas question d’aller dormir, sous peine de perdre de précieuses longueurs. Mais l’exercice n’a pas semblé perturber Eric Peron (Skipper Macif 2009), impeccable depuis le début de cette première étape à destination de Gijón. Auteur mardi après-midi du meilleur départ en baie de Seine, il est toujours en tête après plus de 24 heures de course. Ses jours sont-ils comptés ? Malheureusement pour lui, une belle brochette de cadors lui collent à la roue. Au classement de 16 heures, on compte parmi ses poursuivants pas moins de quatre anciens vainqueurs de La Solitaire : le tenant du titre Nicolas Lunven (Generali), classé 4e avec à peine 0,4 milles de retard, suivi d’Armel Le Cléac’h (Brit Air), 5e, d’Eric Drouglazet (Luisina), 6e et un peu plus loin Yann Eliès (Generali- Europ Assistance), 11e à 1,10 milles. Ses plus proches poursuivants ne sont pas mal non plus : l’excellent Erwan Tabarly (Nacarat) est pointé en deuxième position à 0,1 mille (soit 185 mètres), de même qu’Adrien Hardy (Agir Recouvrement). Dans le top 10, citons encore Frédéric Rivet (Vendée 1), Ronan Treussart (Lufthansa), François Gabart (Skipper Macif 2010) ou encore Laurent Gouezigoux (Trier c’est Préserver).
Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro
Tous derrière Peron, jusqu'à quand?
Mais les positions derrière Peron ne cessent de valser depuis l’aurore. Elles sont encore plus aléatoires depuis que les figaristes ont commencé à tirer des bords cet après-midi sous une chape grise et un clapot désordonné : ils avancent désormais en escadre, sur une ligne de 9 milles au large des Côtes d’Armor, dans un vent d’ouest d’une dizaine de nœuds. La bonne nouvelle pour le suspense de la course, c’est que les écarts enregistrés après la pointe du Cotentin (15 milles entre le leader et le dernier Francisco Lobato) ont eu tendance à se combler tout au long de la journée. Effets du courant, des algues, de la concentration ou de la distribution inégale du vent ? Les 30 premiers tiennent en à peine plus de 2 milles. Et les vitesses peuvent varier de 2 nœuds entre les concurrents.
Le spi au Four
Le passage de la pointe Bretagne cette nuit devrait permettre d’y voir plus clair dans la hiérarchie. C’est le troisième gros obstacle de ce tracé de 515 milles. Après le franchissement de la porte GMF (située entre les phares du Stiff à Ouessant et celui du Four), nos solitaires, entre courant et les cailloux, devront choisir entre deux itinéraires : le Fromveur ou le chenal du Four. Il sera alors peut-être temps d’hisser les spinnakers… et de ne plus jamais les rentrer pendant les 300 et quelques milles de traversée du golfe de Gascogne…
Paroles de marins :
Gildas Morvan (Cercle Vert) : " Les conditions sont plutôt agréables, on n'a pas à se plaindre : du medium, pas trop de pétole. Ce n'était pas évident cette nuit avec un paquet de bateaux parti à terre chercher des contre-courants alors que nous, nous sommes partis chercher du vent plutôt au large et c'est l'option terre et contre-courants qui était la meilleure. Le retard au pointage est relatif, il y a beaucoup de route encore : les bateaux sont étalés un peu partout, mais je vois ceux de devant, ceux de derrière, on est tout de même assez groupés. Sinon, je pense que cette nuit, dans les courants du Four, il y aura du boulot..."
Nicolas Lunven (Generali): « Ça ne se passe pas trop mal, mais c'est assez compliqué au niveau de la météo : le vent oscille un peu alors que ce n'était pas prévu : nous étions censés aller jusqu'à Guernesey au reaching…mais on dirait bien qu'on va plutôt être au louvoyage. Disons que je suis dans le bon paquet, mais pas en situation offensive, plutôt sur la défensive. Ce n'est pas la situation la plus agréable mais les conditions sont sympathiques et je n'ai pas non plus le moral dans les chaussettes : on cogite pour essayer de trouver une solution. Ce qui m'agace le plus ce sont les algues, toutes les 5 minutes il faut aller se mettre à l'eau pour les enlever, il y en a partout... »
Isabelle Joschke (Synergie) : "La première nuit a été compliquée déjà à cause des algues - il y en avait partout - mais elle a été compliquée aussi au niveau tactique car on a eu des surprises dans les rotations du vent. Donc il fallait faire des choix et les assumer jusqu'au bout. Bref ce n'était pas simple. Il faut que je sois toujours dessus et je dois faire attention à garder de l'énergie pour tout le restant de la course, car je suis fatiguée. Je vais essayer de prendre du repos cet après-midi. La prochaine nuit va être très dificile à nouveau. On va probablement passer le Four sous spi et probablement à contre-courant donc ça va être un peu la même, voire pire que la nuit dernière."
Classement en soirée :
1-ELIES Yann
2-DUTHIL Frederic
3-DOUGUET Corentin
Source : La Solitaire