La Solitaire du Figaro / 515 milles en terrain miné

Escarpée, risquée, plaisante, longue, tactique, déterminante... Les 45 figaristes ne manquent pas de qualificatifs pour décrire la première étape de la 41e Solitaire du Figaro qui partira demain à 14 heures en baie du Havre. Une étape qui se jouera en terrain miné !

Crédit : Courcoux-Marmara/Le Figaro

Le tracé de cette première étape, la plus longue des quatre, pourrait schématiquement se décomposer en deux phases. D’abord une course côtière au près, dans les cailloux et le courant jusqu’à la pointe Bretagne, en passant par le redouté Raz Blanchard et peut-être celui de Sein. Puis un long bord de spi de 300 milles pour traverser le golfe de Gascogne jusqu’au terminus à Gijón. Simple sur le papier. Compliqué dans les faits. Car la liste des difficultés essaimées le long de ces 515 milles de navigation est longue comme une journée de solitaire sans sommeil. Et de sommeil il n’y aura point, ou peu dans les 36 premières heures de course au moins. Les algues, les courants, les vents contraires, les cailloux puis les manœuvres sous spi seront les compagnons de nos 45 solitaires pendant pratiquement quatre jours de navigation. Les routages actuels prédisent en effet une arrivée espagnole samedi aux aurores.

Sous l’influence de la diffluence ?
Ce qui est bien sur La Solitaire, c’est qu’on apprend des choses tous les jours. Illustration avec la météo du départ de la première étape où, nous explique Sylvain Mondon (Météo France), une « diffluence » entre deux secteurs de vent pourrait plonger la flotte des 45 Figaro dans une sorte de ‘no wind’s land’ en baie de Seine. La diffluence, on l’aura peut-être compris, c’est un peu le contraire de l’effet venturi. Ce phénomène pourrait donner à peine 1 à 6 nœuds de vent variable au moment du coup de canon. Voilà pour le plus pessimiste des scénarios. Le plus optimiste, lui, prévoit du nord-ouest déjà établi à 10-12 nœuds au moment de dire bye bye aux falaises du Havre. Quoi qu’il en soit, l’entame se jouera vent dans le nez, à la rencontre d’un petit front chaud à la pointe du Cotentin prodiguant un flux d’ouest de 25 nœuds pour une première nuit agitée du côté de Barfleur.
Après le Raz Blanchard, direction au bon plein vers la pointe Bretagne. Puis ce sera la libération… des spinnakers pour un rapide run au portant vers l’Espagne avec empannages au menu.

Gymkhana entre les îles
« C’est assez copieux, prévient le Directeur de Course Jacques Caraës. Je sais que cette seule étape a donné plus de boulot que les trois autres réunies aux météorologues qui travaillent pour les coureurs ». Les principales difficultés s’appellent Barfleur, le Raz Blanchard (Aurigny est laissée à tribord), le passage dans les îles anglo-normandes (Guernesey et Herm sont marques de parcours à tribord) puis celui dans le chenal du Four ou le Fromveur, voire dans le Raz de Sein. Et puis à l’arrivée, il y a toujours cet effet tampon d’une vingtaine de milles au large de Gijón où le vent faiblit. « Toute la première partie est assez côtière. Le fait de passer dans ces endroits nous permet d’éviter les DST (Dispositif de Séparation du Trafic maritime) au large d’Aurigny et de Ouessant. Et puis cela rend la course très intéressante. Les marins ont des moyens de navigation embarqués de plus en plus précis qui rendent ces passages délicats entre les cailloux et les courants plus aisés qu’il y a quelques années. Ce n’est pas les jeux du cirque et comme c’est la première étape, tout le monde sera bien frais, bien reposé. Les figaristes vont partir avec toutes leurs capacités » poursuit Jacques Caraës.
Et des capacités, il leur en faudra pour venir à bout de ces 515 milles que tous comparent volontiers à une étape de montagne.

Nicolas Lunven (Generali), tenant du titre : ETAPE 1 : LE HAVRE – GIJON (515 MILLES) "Cette première étape me plaît bien : importante, longue... mais sympathique ! On ne va pas avoir beaucoup de vent mais pas non plus de grosse pétole, donc ça devrait aller. C'est la plus longue et elle pourrait s'éterniser, par moments. Il y a beaucoup d'endroits qui peuvent être des passages à niveau : au Raz Blanchard, en mer d'Iroise... On sait que ce sont des endroits piégeux. Du coup, il devrait y avoir pas mal de coups à jouer et on ne va pas s'ennuyer. Même une fois quittées les côtes bretonnes, la traversée du golfe de Gascogne devrait nous apporter un peu de boulot. ça devrait être sympa."

Le parcours de La Solitaire du Figaro vu par Jeanne Grégoire (Banque Populaire) :
" Sur la première étape dont le départ est prévu demain à 14h, nous aurons le vent dans le nez donc du courant aussi dans le nez mais cela devrait progresser et s’améliorer. Le Golfe de Gascogne devrait être plaisant, j’ai pris mes bottes légères ! Ce soir, je vais aller me coucher avec une idée de tous les scenarii possibles et demain matin je saurais quelle stratégie adopter pour cette première étape.
En tout cas le parcours général de la Solitaire s'annonce passionnant et propose finalement une lecture des pièges à deux niveaux. Il y a les passages redoutables et redoutés que nous identifions tous et dont on sait qu'ils sont souvent des juges de paix. C'est le cas du Raz Blanchard ou du Raz de Sein. Mais il y a plein d'autres endroits qui apparaissent aussi très compliqués, très stratégiques et on sait que c'est souvent dans les coins "sombres" que les différences se font. La navigation qui peut paraître la plus simple peut en fait réserver pleine de surprises. Il faudra donc se méfier de ce qui pourra sembler simple... Autant dire ne rien négliger et rester vigilant tout le temps. Une vraie Solitaire!".

Source : la Solitaire