Tour d'Espagne à la voile / Sébastien Audigane "part en toute décontraction"

Dernière étape de la Vuelta España à Vela depuis Palma de Majorque jusqu'à Barcelone. Les huit IMOCA se sont donc élancés, ce mardi à midi, pour un dernier tour de piste qui les mènera depuis la baie de Palma devant Palamos, à une cinquantaine de milles au nord-est de Barcelone, avant de redescendre sur la ligne. Une dernière étape très tactique, puisqu'il faudra choisir entre traverser au plus court le bras de mer entre Majorque et la côte catalane pour espérer bénéficier des brises thermiques ou privilégier la route directe, quitte à prendre le risque d'être englué plus longtemps dans des calmes.
Crédit : Vuelta a España a Vela

Dernière manche de tous les dangers pour les uns, occasion de se racheter pour d'autres, de confirmer sa domination pour les derniers, chacun va puiser pour trouver les ressources nécessaires pour boucler en beauté cette étape entre les Baléares et Barcelone. Cette dernière manche ne sera pas de tout repos au vu des conditions qui attendent les concurrents : petit temps, régimes de vents aléatoires, fortes chaleurs, les navigateurs risquent de souffrir. Quand on passe des heures sous un soleil de plomb à chercher les risées, qu'il devient difficile de trouver le sommeil dans les habitacles surchauffés, la fatigue accumulée depuis le début de l'épreuve se fait d'autant plus sentir. Déjà, la majorité des marins disait avoir ressenti une vraie fatigue sur l'étape qui les menait de Calpe à Palma de Majorque. L'effet de décompression des quelques jours passés à Calpe et l'usure des heures passées sous tension depuis le début de la course pèsent sur les organismes.

Trouver sa motivation
Bien évidemment, cette usure-là n'est pas ressentie de la même manière suivant que l'on estime avoir rempli ses objectifs ou non. A bord de Safran, Marc Guillemot et son équipage affichaient une grande sérénité au départ de Majorque. Assurés de remporter le tour, s'ils passent la ligne d'arrivée à Barcelone, tous attendaient cette étape comme un dernier passage obligé avant la consécration. Une complémentarité évidente entre les membres d'équipages, une complicité affective qui n'excluait pas une approche très professionnelle, l'alchimie a porté ses fruits. Pour d'autres, cette étape est l'occasion de montrer tout son potentiel : PRB aimerait bien doubler sa victoire entre Santander et Gijón, de même que Movistar voudrait faire oublier ses contre-performances relatives. GAES Centros Auditivos serait particulièrement aise de faire constater que les progrès enregistrés à bord depuis le début de ce Tour d'Espagne se traduisent dans les résultats. Enfin, pour W Hotels Nova Bocana comme Estrella Damm, c'est la troisième marche du podium qui est en jeu. Celui des deux qui franchira la ligne le premier à Barcelone prendra normalement la troisième place. Et même si Alex Pella et Pepe Ribes ont prêté leur deuxième code zéro à Pachi Rivero et Antonio Piris, suite à l'avarie dont ces derniers avaient été victime dans l'avant-dernière étape, il est hors de question pour les deux équipages de se faire des politesses. C'est la position de premier équipage espagnol qui est en jeu dans cette affaire.

L'heure des premiers choix
Pour l'heure, la flotte aborde la première grande difficulté de ce parcours. Ayant, jusque là, longé la côte sud de Majorque, les huit IMOCA ont pu profiter de la brise thermique pour progresser vers l'ouest. Mais, une fois l'île de Dragonera, à la pointe sud-ouest de l'île, parée, c'est le grand saut dans l'inconnu. Faut-il continuer à progresser vers le nord-est dans une brise de plus en plus faible, orientation du rivage et hauteur du relief oblige, ou bien tenter l'aventure de plonger au large, cap au nord-ouest, dans des régimes de vents erratiques. Safran, Movistar et Estrella Damm semblaient privilégier la première option quand W Hôtel, PRB et Estrella Damm accompagnés de GAES Centros Auditivos faisaient mine de vouloir tenter la traversée immédiatement. Les facteurs de décision qui président aux choix des uns et des autres sont suffisamment complexes pour considérer comme illusoire de vouloir en tirer aujourd'hui un enseignement. En définitive, là encore, c'est la mer qui corrige les devoirs.

Ils ont dit :
Sébastien Audigane (équipier à bord de Safran) :
"On part en toute décontraction. Ça n'arrive pas si souvent de prendre le départ d'une dernière manche, en sachant que du moment que tu coupes la ligne d'arrivée, tu as gagné la course. On va essayer de savourer. Une chose est sûre, c'est qu'on part sans pression sur nos épaules. C'est plutôt sympathique, compte tenu des conditions tordues que l'on risque de rencontrer.
Maintenant, ça ne va pas changer notre façon de naviguer : cela nous a plutôt réussi jusqu'ici, il n'y pas de raison de changer un mode de fonctionnement qui a fait ses preuves. En fait, à bord, c'est Charles Caudrelier qui définit la stratégie : on discute pas mal avant de partir et en fonction des éléments qu'il a pu récupérer, il définit les grands axes. Après, notre boulot sera de lui apporter des informations complémentaires en fonction de ce que l'on observe sur le plan d'eau pour qu'il puisse affiner voire corriger les choses mises en place. Mais, ce qui est clair, c'est qu'il est hors de question que chacun donne son avis sur ce qu'il faudrait faire ou pas. Par expérience, ça n'a jamais marché. Notre rôle c'est avant tout de faire marcher le bateau. On fait confiance à Charles et jusque là on n'a pas à s'en plaindre."

Pachi Rivero, co-skipper de W Hotels – Nova Bocana
"On aimerait bien rééditer l’arrivée de Palma de Majorque à Barcelone. Alex et Pepe ont été vraiment fair-play on nous prêtant leur deuxième code zéro, pour qu’on puisse se battre à armes égales. Maintenant, sur l’eau, on ne va pas se faire de cadeau. On s’apprécie mais c’est la suprématie du premier bateau espagnol qui est en jeu. En tous les cas, on est content de notre Tour d’Espagne. On a travaillé dans la bonne direction et les résultats se font sentir. Après, il sera temps de penser à la Barcelona World Race et qui sait ? Personnellement, je serais bien partant pour un Vendée Globe. Mais on va déjà finir le travail commencé."

Positions à 16h30
1 Safran à 187,8 milles de l’arrivée
2 Movistar à 0,3 milles du premier
3 W Hotels Nova Bocana à 0,4 milles du premier
4 PRB à 0,7 milles du premier
5 Estrella Damm à 0,9 milles du premier
6 GAES Centros Auditivos à 2 milles du premier
7 Central Lechera Asturiana à 3,9 milles du premier
8 Pakea Bizkaia à 5 milles du premier

Source : Vuelta a España a Vela