Carnet de Bord / Armel Le Cléac'h et Jeanne Grégoire mardi à St Barth

Espionnage industriel (Au coeur de la course à bord d'Ocean Alchemist)

Toute la nuit, nous avons croisé au large du quatuor de tête, vigilants comme jamais. La nuit a été calme, 10 à 14 nœuds de vent capricieux au 85. Les trajectoires ont été parfaites sur la route de St Barthélemy. Pas un empannage !
Depuis hier nous redoublons de vigilance, tant notre parfaite neutralité dans cette régate pourrait avoir quelques faiblesses. Plusieurs gaffes de certains figaristes nous ayant appris que nous n'étions pas vraiment en mode furtif. Nos déplacements et conversations sont aussi surveillés de près par les huit paires d'yeux sur l'eau.
En effet, chacun de nos mouvements est épié à la jumelle et nos déplacements analysés. Si nous partons vers l'Ouest au devant des trois poursuivants, ils peuvent estimer que Brit Air est sur la route directe, si nous plongeons vers le Sud, pour eux il y a empannage. Pour ce qui concerne nos vacations audio en VHF, pour lesquelles nous ne donnons qu'en visuel le canal sélectionné, nous avons le sentiment que notre audience augmente chaque jour davantage.
 Les marins sont de plus en plus avares de confidences, on sent un certain bluff et quelques cliquetis de VHF viennent perturber nos conversations. Désormais, nous jouerons nous aussi l'intox, feignant de mettre le cap sur des positions fictives et modifiant nos canaux VHF durant nos interviews.

Ils ont dit...

Armel Le Cléac'h - Brit Air (1er au classement de 5h)
"Le vent est rentré cette nuit, on en profite pour faire un peu de milles. Le vent est variable entre 10 et 15 nœuds, l'Alizé est très instable la nuit, on passe notre temps à modifier nos réglages et il faut être concentré pour bien barrer. On sent qu'en se rapprochant des Antilles, les grains deviennent plus actifs. Pour l'instant, nous avons de bons nuages sans pluie et plus ça va, plus ils sont importants en taille et plus il y a de vent en dessous. Il faut en tenir compte la nuit car s'il y a peu de vent dessous, au vue des écarts qu'il y a entre les bateaux, ça peut-être important pour gagner ou perdre quelques milles.
On vit au jour le jour, on se donne un objectif par journée : quelle stratégie à adopter, quels réglages à faire. On compte encore deux belles journées au large, il nous reste encore quelques empannages à faire avant de toucher au but…
Ensuite pour les dernières 24 heures, il faudra négocier les passages difficiles, il faudra être très vigilants pour ne rien lâcher à nos poursuivants, avoir des réglages parfaits, ça va se jouer à peu de choses… Il y aura sûrement des bateaux en mode furtif qui seront à surveiller. En ce qui nous concerne, nous sommes d'accord sur le fait que le mode furtif s'utilise de manière réfléchie et efficace, pour jouer de vrais coups, mais on regarde toujours du coin de l'œil ce que font les autres et surtout ceux en mode furtif.
Les routages nous font arriver mardi 11 mai, sauf si le vent forcit !
On fait attention à nos quarts pour être à fond jusqu'au bout, car il y a encore des maths à faire pour gagner quelques milles".


Jeanne Grégoire - Banque Populaire (2e au classement de 5h)
"Il fait beau, nous avons un ciel étoilé magnifique, les conditions sont très agréables la nuit. On ajouterait bien tout de même 2 ou 3 nœuds de vent. Nous avons actuellement entre 10 et 15 nœuds, on avance mais comme on va tout droit, on aimerait que ça aille un peu plus vite ! J'ai très envie d'un grain de pluie mais les grains sont comme la loterie, ce n'est pas forcément un avantage (au-delà de rafraîchir l'air et de nous laver !), on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Donc on verra.
Le programme de la journée sur Banque Populaire ? Comme faire des bords sous la grosse chaleur c'est juste insupportable, on fait un maximum de choses le matin ou le soir avant que le soleil ne soit trop haut. On regarde le nombre de milles qui nous reste jusqu'à l'arrivée. Plus on approche du but et plus les derniers milles sont longs. Cela fait deux jours que nous faisons des bords à l'envers pour nous décaler. A chaque fois que l'on fait des routages on prend 3 à 5 heures dans la vue sur notre temps d'arrivée, c'est frustrant.
Après plusieurs mois d'absence, je crois que j'ai vraiment emmené la bonne personne pour faire une transat en double. Je suis revenue en mode Figariste avec une grande facilité grâce à Gérald".

Source : AG2R La Mondiale