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« On cuit littéralement. Le thermomètre indique 34°. Par ces températures, il est impossible de dormir durant la journée et on attend impatiemment la nuit pour récupérer » ajoutait de son côté Nicolas Lunven (Generali). Les organismes sont donc mis à rude épreuve. Boire suffisamment, s'alimenter correctement… les marins le savent, c'est aussi l'une des clés de la réussite sur une épreuve de ce type. Et lorsqu'il ne reste plus que 1000 milles à parcourir, chacun à déjà lourdement puisé dans ses réserves. « Les journées sont longues, écrasantes… lorsque le soleil se couche, on est bien fatigué » a avoué le vainqueur en titre de la Solitaire du Figaro. Lui et ses adversaires profitent donc de la douceur de la nuit pour recharger les batteries au mieux. « Bien récupérer, c'est être plus lucide » a justement souligné Christophe Rateau, skipper de iSanté. Le fait est que pour négocier leur dernière semaine de course, les skippers devront faire preuve de clairvoyance. Passages de grains, bascules du vent, renforcement à venir de l'alizé… il va encore se passer beaucoup de choses dans les prochains jours.
Affiner sa trajectoire
« A mes yeux, ce qui va être important d'ici à ce week-end, c'est la façon dont chacun va choisir d'aborder Saint-Barth. La question est : est-ce qu'il faut arriver plutôt en route directe par le Sud ou alors viser au dessus, empanner et redescendre ensuite vent arrivée vers la ligne d'arrivée ? La réponse va dépendre de la façon dont les alizés vont se comporter à l'approche de l'arc Antillais » a détaillé Gérald Veniard lors de la vacation. Le co-skipper de Banque Populaire ne cachait par ailleurs pas sa satisfaction de pointer dans le trio de tête depuis ce matin : « Si nous avons été coincés un moment aux alentours de la 9e ou 10e place au pointage qui est établi par rapport à la distance au but, nous savions qu'en réalité, nous avions le contrôle de la situation ». De fait, après les Canaries, avec Armel Le Cleac'h et Fabien Delahaye (Brit Air), Romain Attanasio et Sam Davies (Savéol) puis Gildas Morvan et Bertrand de Borc (Cercle Vert), il a fait le choix de plonger au Sud. Un choix qui, à lui et aux autres, a considérablement rallongé la route mais dont ils récoltent maintenant les fruits grâce à un flux d'Est Nord-est de 20-25 nœuds. Un régime d'alizé modéré qui les propulse à grande vitesse vers l'arrivée et leur permet de prendre l'avantage ce mercredi. Ces quatre-là vont donc se livrer une belle bagarre jusqu'à l'arrivée. Ils ne devront toutefois pas oublier de surveiller les Crédit Mutuel de Bretagne (Nicolas Troussel et Thomas Rouxel), Generali (Nicolas Lunven et Jean Le Cam) et autre Luisina (Eric Drouglazet et Laurent Pellecuer), décalés plus au Sud, qui ne manqueront pas la moindre opportunité de revenir au contact.
Le Trophée de la performance du jour AG2R LA MONDIALE est attribué à Luisina. Eric Drouglazet et Laurent Pellecuer ont parcouru 199,5 milles en 24 heures.
Classement du jour à 15h :
1 CERCLE VERT Bertrand de Broc Gildas Morvan
2 BRIT AIR Armel Le Cleac'h Fabien Delahaye à 5.9 milles du premier
3 BANQUE POPULAIRE Jeanne Grégoire Gérald Véniard à 9.8 milles du premier
4 SAVEOL Romain Attanasio Samantha Davies à 13.6 milles du premier
5 AGIR Recouvrement Adrien Hardy Stanislas Maslard à 33.2 milles du premier
6 SAVE THE RICH Christophe Bouvet Yannick Bestaven à 47.2 milles du premier
Ils ont dit :
Fabien Delahaye, skipper de Brit Air : « On est bien, on est dans les alizés. Il y a du vent qui nous permet de bien avancer avec un bon positionnement. Ca glisse vert St Barth ! On avait un obstacle devant nous, on a choisi de passer par le Sud avec un flux de vent soutenu et régulier. On était au contact, sans trop se rapprocher de St Barth. Mais depuis hier, on a gagné dans le Sud-ouest, et là on reçoit un alizé du Nord-est bien installé. On file vers l'arrivée dans ce flux de vent, pour négocier notre arrivée d'ici 5/6 jours. On est positionné dans le Sud de Cercle Vert et on navigue a vue avec Banque Populaire. Derrière il y a un bon paquet de poursuivants mais à bonne distance. On se dirige tous vers St Barth et on essaye d'être plus rapide que les copains. Le vent va évoluer, tourner… donc on regarde beaucoup les cartes pour bien se positionner, trouver le bon angle favorable pour le bateau, tout en pensant à la suite. »
Gerald Veniard, co-skipper de Banque Populaire : « Tout va bien. Le classement reflète un peu mieux ce qui se passe sur l'eau. On a parfois été coincé, mais on a quand même toujours été dans trio de tête. On contrôlait bien la situation jusqu'à maintenant ! Cercle Vert nous a un peu abandonné. Il a tenté sa chance mais nous, on n'y croit pas trop. On pense qu'il est bien derrière, même si au classement ce n'est pas le cas. On pense que Brit Air est bien placé mais on s'accroche derrière lui. Il est bougrement efficace ! Mais ce n'est pas fini, on est 3,5 milles derrière lui… Ce n'est pas facile mais on travaille ! Les fichiers ne disent pas la réalité, c'est toujours ça avec les alizés. Ce matin j'ai eu des pointes jusqu'à 27 nœuds de vent, ça fait du bruit, on entend la quille qui chante ! On fait route vers St Barth avec une vitesse raisonnable. On ne sait pas encore comment gérer l'arrivée, plutôt Sud ou Nord, on décrypte les fichiers pour voir quelle est la meilleur option, on fait tout pour essayer d'être sur le podium. Il y a quelques heures dans la journée qui sont difficiles à supporter quand on n'aime pas la chaleur. Entre 11h et 15h notamment c'est très dur, car en général le vent se calme à ce moment-là. On se relaye plus souvent, et on se protège au mieux ! On avait dit à Cercle Vert que cette année, on ne pouvait gagner qu'avec une fille à bord ! Jeanne a tellement hâte de trouver sa petite fille, qu'elle trouvera la meilleure route pour arriver en premier ! Mais le moral est top et les convictions sont au rendez vous ! »
Christophe Bouvet, skipper de Save The Rich : « Tout va super bien à bord ! On subit un peu le Sud ! Là, on fait tourner les routages. La suite va être plus complexe car on cherche où regarder et à se dégager en latéral. Mais on a un problème de vitesse, donc c'est du boulot à coups d'empannages au bon moment pour garder de l'avance. Ca ne va pas être facile. Le classement de la porte aux Canaries ne va pas beaucoup changer même si il y a eu des options et des retournements. On a tenté un coup qui a plus ou moins bien marché, maintenant on a du mal à garder cette avance. Plus on va avancer, plus ca va être dur, on est dessus, on fait le max, tout en souffrant de la chaleur ! On a des rythmes établis qu'on tient le plus correctement, mais l'après-midi on dort moins. On a de l'eau, on s'alimente très bien. Le soleil est un facteur de fatigue et on redoute toujours ces heures de la mi-journée. Le soir c'est bien agréable, on se repose mieux que la journée. »
Kito de Pavant, skipper de Groupe Bel : « Ca ne va pas très vite même si on a retouché un peu de vent car pendant deux jours c'était un peu la désole, avec de la houle sans avancer vers St Barth … C'était difficile à supporter psychologiquement et même aujourd'hui les fichiers météo sont pessimistes sur notre route. Elle n'a pas menti, on a le temps qui était prévu : on espère que la météo soit une science inexacte ... Les routages donnent encore 10 jours de mer … on espérait mieux mais c'est comme ca ! On est désabusé, désolé. Quand on a une risée on reprend l'espoir de rattraper l'alizé mais à chaque fichier météo c'est le désastre. Ca se passe bien avec Seb. On est résigné, on attend que ca revienne ! On est à la fois frustrés de voir que les bateaux avec lesquels on était aux Canaries, sont encore devant et ravis pour eux… On a un super club de supporter chez Groupe Bel, qui sont tous désolés … Tous les gens qui ont travaillé sur ce projet ne sont pas récompensés à la hauteur de leur investissement. Je regrette un peu d'être reparti des Canaries, c'est une décision lourde de conséquence. On a pesé le pour et le contre, on pensait mettre beaucoup moins de temps … Mais on assumera jusqu'au bout. On espère être à l'heure pour l'avion à St Barth ! »
Source : AG2R la Mondiale