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Il parait que la jeunesse est généralement rebelle et souvent impolie : Adrien Hardy et Stan Maslard, du haut de leurs 25 et 29 ans respectifs, illustrent parfaitement ce vieux constat. Rebelles par leur trajectoire : alors que l’ensemble de la flotte optait pour le Sud pour avoir des vents plus soutenus mais avec plus de miles à parcourir, l’équipage d’AGIR Recouvrement choisissait le 27 avril dernier une option radicale et risquée, la route du nord, plus courte mais avec moins de vent. Impolie par leur culot : le niveau en Figaro est tellement élevé qu’on considère généralement qu’il faut attendre l’âge de la maturité pour briller, pourtant les deux marins sont le deuxième équipage le plus jeune de la l’AG2R La Mondiale…. Joint par téléphone, Adrien Hardy ne cachait pas le plaisir de cette première place : « Oui, on est plutôt satisfait ! Jusqu’à hier en début de journée, on doutait un peu car notre option était osée mais depuis ce matin, on est dans un autre état d’esprit. On a marqué l’avantage, on est passé à la caisse comme on dit. » Dans le monde de la régate, l’expression signifie récolter les fruits d’un investissement. Si le placement était risqué le marin nantais rappelle pourtant qu’il est pour l’instant très fructueux : « Il ne faut pas oublier qu’aux Canaris, au passage de la porte, on avait 110 miles de retard sur les premiers et on était 16ème. Ce matin, on a recroisé devant plusieurs bateaux qui étaient auparavant devant nous. D’ailleurs, depuis vendredi soir, on voit qu'il y a du monde qui remonte dans le nord, en particulier Eliès sur Generali, cela montre que cette option est payante. »
La boussole indique le nord !
L’équipage d’AGIR Recouvrement composé de deux anciens ministres de renom, auparavant adversaires, Stan Maslard et Adrien Hardy a, contre tous les pronostics et les routages du moment, pris la tangente vers le nord. Durant quatre jours, le Figaro AGIR est progressivement remonté à chaque classement en bénéficiant de vent soutenu et d’une route plus courte. Les deux jeunes talents ont cru en leur étoile et en leur boussole qui indiquaient…le nord ! Au classement de 15h, ce samedi 1er mai, AGIR Recouvrement était flashé à 8,5 nœuds en 1ère position. Le marin nantais précise : « L’autre élément positif du jour, c’est que si jusqu’ici notre classement était assez virtuel car nous étions plus proches de la route directe, depuis hier, à la faveur d’un bon recadrage, nous avons un classement plus révélateur car on a recroisé devant certain bateau, comme Generali- Europ assistance, sur qui on avait à la Palma près de 80 milles de retard! » Question météo et option stratégique, Adrien n’en est pas à son coup d’essai : véritable compétiteur et authentique joueur, il remportait à l’automne dernier la 1ère édition de la Solidaire du Chocolat (France-Mexique) avec Tanguy de Lamotte en Class 40 après deux choix décisifs sur l’eau qui ont permis de reléguer aux 2ème et 3ème place les deux duos stars du circuit : Giovanni Soldini/Pietro d’Ali et Bernard Stamm/Bruno Jourdren. Réputé pour son sens marin et son incisivité, Adrien démontre, avec cette option sur l’AG2R, l’étendu de son talent et le bel avenir que beaucoup lui prédise.
Les quatre prochains jours seront décisifs
S’il est encore trop tôt pour crier victoire car la route est encore longue (1 600 miles, soit 10 dix jours de mer) et délicate, il semble évident que l’option choisie par AGIR Recouvrement offre un avantage décisif pour la suite de la course. Même la rupture des alizés ne parait pas vraiment inquiéter notre jeune équipage : « La météo n’est pas si mauvaise que ça, il y a une zone de pétole devant nous, mais devant tout le monde finalement. Dans le sud, ils n’auront pas tellement plus de vent. En fait, au nord et au sud de notre position, il y a une importante zone sans vent. Entre les deux il y aurait un passage avec un peu de pression et un bon angle pour continuer à descendre. Nous ne sommes pas vraiment inquiets même s’il faut rester prudent, car il y a beaucoup d’éléments aléatoires dans ces moments de pétole. » Adrien conclut : « Les trois jours à venir vont être difficiles, car il faut traverser cette zone instable. On a une période très importante jusqu’au 4 mai et ensuite, toute la flotte trouvera du vent établi jusqu’à Saint Barth. » Le week-end et le début de semaine prochaine seront donc capitaux, AGIR Recouvrement espère bien pouvoir passer entre les mailles du filet de la bulle anticyclonique pour conserver une certaine vitesse et être le premier des Figaros sur l’autoroute des alizés qui les propulsera jusqu’aux Antilles…
Source : Adrien Hardy (Rédaction : Quentin Hardy)