Crédit : A. Courcoux
Du calme et du talent, Armel et Fabien en ont à revendre ! Ces deux-là ont impeccablement géré leur course. « Ils nous ont donné une belle leçon de navigation ! » a reconnu Gérald Véniard, deuxième de cette Transatlantique à bord de Banque Populaire, 50 minutes après les vainqueurs. Avec 7,1 nœuds de vitesse moyenne sur 22 jours, 16 heures, 59 minutes et 11 secondes de course, Brit Air est allé vite et dans la bonne direction. L'équipage a favorisé une route médiane avant de plonger au Sud pour y trouver des alizés plus soutenus. Une stratégie gagnante !
Arrivés au port de Gustavia, l'émotion est grande pour les deux skippers. Des sourires jusqu'aux oreilles et des visages peu fatigués tellement le bonheur a pris le dessus. Fabien, des étoiles plein les yeux vit un moment inoubliable.
Crédit : A. Courcoux
Armel Le Cléac'h:
« Depuis hier, nous nous posions des questions puisque Banque Populaire a choisi de passer en mode furtif le dernier jour. On les savait décalés dans notre Sud et vu la météo, c'était peut-être plus favorable. Finalement, ils nous ont appelés une trentaine de milles avant l'arrivée pour nous dire qu'ils étaient bien derrière et que la course était jouée. On a su à ce moment-là que la victoire était devant nous. Ca a été très intense jusqu'au bout.
Cette transat s'est jouée sur plein de petits détails. Des petits recalages et empannages qu'on a osé faire à tel ou tel moment et qui nous ont permis de gagner mille par mille. Je pense aussi que Fabien et moi avions un bon fonctionnement au niveau de la vitesse du bateau. Nous avons toujours été rapides dans les classements et avions une aisance par rapport aux autres. Ces petits milles par-ci et ces dixièmes de milles par-là nous ont permis de creuser jusqu'à dix milles d'avance.
Ces arrivées de transat sont toujours magiques. J'ai la chance d'avoir gagné deux fois cette course. Avec Fabien, nous pensions qu'il n'y aurait pas beaucoup de monde. Finalement, il y a eu énormément de bateaux pour nous accueillir et nous féliciter, c'était du grand bonheur. Je suis très heureux d'avoir gagné cette dixième édition ! Ce n'était pas facile : il y avait beaucoup de duos redoutables et nous n'étions pas forcément dans les grands favoris. Nous avons su tirer parti de notre association et de notre travail à Port-La-Forêt. Fabien gagne sa première transatlantique ; j'inscris mon nom au palmarès puisque je suis, pour l'instant, l'unique marin à avoir deux victoires au compteur. Je vais pouvoir savourer ça jusqu'à la prochaine édition - au moins !
Avec Fabien, notre duo était nouveau. On ne se connaissait pas forcément ; il est arrivé sur le circuit Figaro l'an dernier et venait de l'olympisme et du dériveur. Je l'ai appelé cet hiver et il a très vite répondu présent. C'était un très, très bon choix. Sur l'eau, Fabien a toujours été à fond. Il m'a impressionné parce que je n'ai pas trop ressenti son inexpérience. Il était toujours à 100%. Plus les jours avançaient et plus il se sentait à l'aise. Il gagne sa première transatlantique et ça me rappelle des souvenirs - j'avais fait ça en 2004. Je lui souhaite d'avoir une bonne continuité, comme j'ai pu en avoir - et même meilleure ! Il a le talent pour gagner le Figaro ou d'autres courses. C'est un jeune qui monte et il va sûrement montrer dans les mois et les années à venir que ce n'était pas un hasard.
Nous sommes très contents d'arriver, que ça se termine. 23 jours, c'est intense. On peut enfin lâcher la barre, dormir dans un vrai lit et prendre une douche. Nous allons retrouver tous les gens qui sont venus nous accueillir - ma femme, les amis, les gens de Brit Air. Je suis très heureux d'offrir enfin une grande victoire à Brit Air après quatre ans de partenariat. C'est un partenaire fidèle qui m'a toujours soutenu sans me mettre la pression. J'espère que ça va amener d'autres victoires.
Maintenant, Fabien et moi allons manger un bon steak. On va aussi savourer la victoire ! C'est toujours difficile de réaliser, de passer d'une course très intense à une arrivée. Nous allons décompresser, faire la fête et accueillir les autres concurrents. »
Fabien Delahaye:
« Il n'y a pas de mot, c'est génial ! Qu'espérer de mieux qu'une victoire sur une première transat ? Avant la ligne, Armel m'a dit "Tu verras, il n'y aura peut-être pas grand monde vu l'heure à laquelle on va arriver." Et Ocean Alchimist est venu nous voir, puis un autre bateau avec des trompettes, puis des dizaines de bateaux. Il y avait des flashs partout, on ne savait plus trop où on était ! Après 23 jours passés seuls en mer, à ne voir personne si ce n'est deux ou trois cargos et quelques mammifères marins, arriver et voir autant de monde, de nuit comme ça, ça fait chaud au cœur.
Même si ça fait super plaisir, on ne réalise pas encore. Ma première envie de terrien ? J'hésite entre une bonne douche ou un bon repas. On a quand même bien mangé à bord en gardant notre rythme français. Mais un bon repas avec des produits frais, c'est tentant !
Les quarts - deux heures pendant la nuit, trois heures à trois heures trente la journée - nous ont donné un rythme. Grâce à ce rythme, les jours passent très vite. On enquille nos quarts. À la barre, on est concentré ; après, on dort. Tout s'enchaîne : quand on est sur le pont pour manœuvrer, on réfléchît à deux. Pendant cette dernière nuit, on avait une île à passer sous le vent. Nous sommes restés éveillés jusqu'à l'avoir passée, à la tombée de la nuit. Ensuite, c'était la dernière ligne droite. On se relayait à la barre toutes les heures. Mais aller dormir si près du but ne servait à rien ! Il restait 60 milles avant Saint Barth dans du vent soutenu, à une allure un peu serrée. Il fallait être dessus et on a fait pas mal de changement de voiles. On aurait pu avoir un finish plus calme ! Au passage de l'île, on ne savait pas si on était en tête. On ne savait pas trop où étaient nos concurrents, puisqu'ils étaient en mode furtif. Mais quand nous avons compris que nous étions premiers, c'était l'euphorie.
C'est marrant parce qu'Armel est resté super calme et très concentré jusqu'au passage de la ligne. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il a explosé !
Entre nous, il n'y a jamais eu un mot plus haut que l'autre. Les décisions stratégiques revenaient à Armel, et je me concentrais sur la performance du bateau. Sur cette transat, nous nous sommes toujours très bien entendus. Dès qu'il y avait un peu de doute, l'autre se faisait l'avocat du diable pour éliminer les mauvaises pistes. Ce sont ces questionnements qui nous ont permis de faire des choix surs. À deux, nous sommes plus sûrs que seul. »
Source : Brit Air