Record / Fred Le Peutrec : "On reste relachés mais concentrés"

Les conditions de navigation vont se durcir dès ce samedi soir avec l'arrivée d'un front froid par l'Ouest qui va rattraper Groupama 3 en provoquant une bascule du vent au secteur Ouest. Le trimaran géant est en conséquence obligé de remonter sa route et devra empanner au moins deux fois pour viser le troisième cap...

Crédit : Team Groupama

Horn ! Le mot en lui-même cingle comme le vent qu'on y attend. Hoorn, la ville qui a donné son nom à ce promontoire, ce pic, cette île noire, lugubre, sinistre, escarpée et surmontée d'un phare improbable que la majorité des cap-horniers n'ont même pas eu l'occasion de voir, tellement les vents et la mer, les grains et les brouillards semblent vouloir cacher ce rocher surnommé aussi « cap Dur »... Encore quatre jours pour espérer entrevoir cette borne symbolique qui marque la fin des mers du Sud...


« Sous grand-voile haute et gennaker, nous glissons entre trente et trente-cinq noeuds : ça se passe bien ! Pas de violence, si ce n'est le froid... Cela nous change depuis que nous avons plongé au Sud-Est après la Tasmanie. C'est humide et ça condense pas mal à l'intérieur. On commence vraiment à s'habituer à ces vitesses moyennes. Le cap Horn, c'est notre prochaine marque de parcours : on espère avoir un petit matelas sur le temps de référence avant de remonter l'Atlantique. Normalement, nous avons des chances de creuser encore un peu l'écart... Si la mer ne se dégrade pas trop. » précisait Fred Le Peutrec à la vacation radio de 12h30 avec le PC Course parisien de Groupama.

Lune de miel !
Quasiment une journée d'avance en ce 27ème jour de mer : 570 milles sur le sillage virtuel de Orange 2... Et Groupama 3 continue à grappiller des milles à raison de 130 milles par jour ! Car même si Bruno Peyron et son équipage avaient allongé la foulée dans cet océan Pacifique, Franck Cammas et ses hommes ne sont pas en reste avec toujours plus de trente noeuds au compteur.

« C'est la pleine lune demain dimanche : c'est très agréable et cela nous permet de barrer plus précisément pour attraper les vagues. Les nuits ne durent que six heures environ avec un long crépuscule et une grande aurore. Nous sommes sur le point le plus isolé de la civilisation, mais on se rapproche vite ! Le cap Horn, c'est pour bientôt, mais on va avoir un peu plus de brise que prévu: nous allons devoir abattre au maximum, proches du vent arrière, ce qui nous permettra de supporter du vent assez fort. La mer doit rester dans le sens de ce flux musclé, ce qui ne devrait pas nous empêcher de naviguer vite

La tête dans les épaules
C'est la partie la plus compliquée d'un tour du monde : l'atterrissage sur le cap Horn est en effet le point le plus extrême Sud de ce Trophée Jules Verne, par 55° 58' Sud et 67° 38' Ouest. Logiquement, les îles chiliennes seront en vue dès mercredi soir (heure française), mais les hommes de Groupama 3 doivent rester vigilants ces prochains jours car les icebergs sont présents dans ces parages proches de la mer d'Amundsen. Le froid piquant de l'Antarctique fait rentrer les têtes dans les épaules...

«On espérait aller vite sur des trajectoires rectilignes sans que le bateau souffre : c'est le cas. Lors de The Race en 2001, j'ai le souvenir d'un froid plus intense. Depuis le début de notre entrée dans le Sud, ça se passe vraiment bien. Bien sûr, nous avons évoqué entre nous notre chavirage au large de la Nouvelle-Zélande, mais aujourd'hui, les dangers les plus tangibles, ce sont les glaçons ! L'eau de mer est froide, on devrait passer à côté des icebergs sans les voir, mais nous avons un radar. On sait qu'ils sont là... Des cailloux de glace sans avoir la cartographie, ce n'est pas un danger virtuel. On reste relâchés mais concentrés.»

Source : Groupama