Record / Carnet de bord de Jacques Caraës

5 jours 19 heures 7 minutes pour rejoindre l’équateur, difficile de regretter le choix d'un départ de Brest par une petite lucarne à défaut de fenêtre ouverte !
La mobilisation générale de notre équipage un dimanche de bon matin, le 31 du mois de janvier créa la surprise chez les banquiers bleus encore sous la couette.


Crédit : Team Groupama

Annuler les projets de courts termes à contre coeur, prendre à l’aube le pain frais préparé à la hâte par la maison du boulanger de Lannilis, enfiler nos cirés, tels des pompiers avant de monter dans leur camion rouge, on quittera le port du Château, en larguant les amarres de notre trimaran vert minutieusement reconditionné par notre vaillante équipe technique, ce dimanche 31 janvier à 9H30, un peu sur la pointe des pieds.

Sylvain Mondon notre routeur de Météo France, Stan Honey notre navigateur et Franck Cammas notre skipper ne font pas défaut sur leur analyse météo. A l’heure prévue - 14 heures TU - le vent rentre de secteur nord en forcissant. Jean-Luc un copain pêcheur de l’aber Ildut, en route vers le Fromveur sera mon dernier au revoir aux terriens. Le temps de saluer le phare de Créach sur notre bâbord, nous voilà catapultés à plus de 30 noeuds dans le golfe de Gascogne sous gennaker médium et GV à un ris.
A deux ou trois heures près, on arrive à se faufiler à vive allure dans le sud de Cap Finisterre, derrière nous, deux centres de haute pression se rejoignent et ferment radicalement la porte des espérances pour les retardataires .
Chacun se met dans le rythme, les automatismes sont encore présents. Les 15000 nautiques de notre première tentative hivernale, malheureusement avortée, pour cause de casse au large de Cape Town, restent néanmoins pour nous le meilleur des entraînements à la mer. Nos étraves ont eu à peine le temps de se refroidir.

L’esprit général est plein d’ambition et fait plaisir à voir. Le temps de 5J 19H au passage de l’Equateur est notre première récompense. Il nous en faudra encore d’autres, car les fichiers de vent sur l’Atlantique sud sont peu favorables à la vitesse. Un vaste système de hautes pressions s’est confortablement installé pour nous barrer la route vers les 40ème de cet océan plein d’aventure que l’on nomme : l’Indien.

Peu importe, en bon Pirates :"NEVER SURRENDER" est notre devise. Il faudra se battre le long des côtes brésiliennes contre des vents faibles en bordure de dorsale, puis savoir mettre la poignée dans le coin avec modération sur cet océan venté et glacé qui nous mènera aux antipodes .


Alors avec ou sans avance au Cap Horn, tout restera encore à faire, peu importe ! Le dernier sprint Cap Horn / Ouessant pourrait prendre des allures de "Solitaire du Figaro". Une Course au chronomètre, où tout se passe dans la dernière nuit...


J’en rêve souvent... Alors Let’s go my Friends !


Kénavo

Source : Le Journal de Bord de Groupama 3