Toujours aussi véloces depuis cinq jours, Franck Cammas et ses neuf équipiers devraient « entrer en Pacifique » dès la nuit prochaine : Groupama 3 devrait ainsi empocher le record de la traversée du cap des Aiguilles à la Tasmanie, en moins de neuf jours. Et comme les conditions météorologiques favorables perdurent, les jours à venir s'annoncent aussi rapides.
Groupama 3 est en passe de récolter son premier trophée sur ce Jules Verne ! Car ce tour du monde est aussi l'occasion de battre trois autres records reconnu par le WSSRC (World Sailing Speed Record Council), l'organisme officiel en charge de valider les meilleurs temps à la voile. Au menu : le record de la traversée de l'océan Indien (Orange 2 : 9j 11h 04'), celui de la traversée du Pacifique (Orange 2 : 8j 18h 08') et celui de l'équateur à l'équateur (Orange 2 : 33j 16h 06').
Crédit : Team Groupama
« Nous suivons notre progression par rapport à Orange 2 et même si ce n'est pas un concurrent direct, nous regardons sa trace virtuelle. Nous savions que sous l'Australie, nous allions récupérer notre retard car Bruno Peyron et son équipage avaient dû effectuer plusieurs empannages avec des phases de ralentissement. Mais ils avaient traversé très rapidement le Pacifique... Ce sera difficile de tenir sa moyenne jusqu'au cap Horn mais pas impossible. Si nous avions un peu d'avance à ce moment-là, ce serait pas mal : la remontée de l'Atlantique doit théoriquement nous permettre de grappiller du temps ! » déclarait Fred Le Peutrec à la vacation radio de 12h30 avec le PC Course parisien de Groupama.
Au bout de 23 jours de mer, Groupama 3 a donc été en avance sur le temps de référence pendant dix jours, et en retard pendant treize jours... L'objectif de Franck Cammas est de s'engager dans le Pacifique avec plusieurs heures de marge sur le tableau de marche.
Bascule et empannage
Avec le flux de Nord-Ouest qui perdure depuis cinq jours, l'état de la mer reste suffisamment organisé pour permettre à l'équipage de Groupama 3 de naviguer vite sans effort et sans stress. La situation devrait un peu changer après la Tasmanie quand la brise va basculer au secteur Ouest, voir Ouest-Sud-Ouest mercredi : le trimaran géant devra alors empanner pour éviter la Nouvelle-Zélande. Mais côté vitesse moyenne, il ne devrait pas encore y avoir de ralentissement...
« Le bonheur est bien fait ! Non seulement on s'habitue à ces moyennes de trente noeuds et plus, mais on s'émousse... On se fait la réflexion à bord : quand on navigue à 28 noeuds, on a l'impression d'être arrêté ! Il faut parfois se remettre dans la tête qu'on navigue à 33-35 noeuds, voir quarante... Nous avons pris nos marques puisque nous naviguons depuis cinq jours sur le même bord : on s'organise pour manger, dormir, entretenir le bateau. Nous allons avoir une manoeuvre à faire demain mercredi dans la journée : un empannage pour se recadrer puisque la dépression néo-zélandaise s'est comblée. Nous attraperons alors un flux ondulant avec du vent de secteur Ouest. »
Mais pour les prochaines 24 heures, le vent va encore osciller entre l'Ouest et le Nord-Ouest en restant assez fort : 28 à 32 noeuds avec des rafales à 35-38 noeuds. Les vagues grossissent elles aussi, mais restent dans un secteur trois quarts arrière et donc favorables pour accompagner Groupama 3 lors de ses derniers milles dans l'océan Indien et ses premiers milles dans l'océan Pacifique.
« C'est toujours très gris... Depuis cinq jours ! On a l'impression d'être sous le même nuage. C'est toujours humide avec peu de visibilité, mais les températures sont encore douces. Ce n'était pas le cas lorsque j'avais fait The Race en 2001 : il avait fait très froid, mais nous avions eu le droit à deux magnifiques aurores australes. »
Éviter les glaces
L'entrée dans l'océan Pacifique avec le passage de la Tasmanie est donc attendue pour le début de nuit prochaine (heure de Paris, petit matin en Tasmanie) : Groupama 3 devrait donc mettre moins de neuf jours pour cette traversée de l'océan Indien et ainsi, s'octroyer le record WSSRC entre le cap des Aiguilles (Afrique du Sud) et la pointe Sud de la Tasmanie. Probablement avec une douzaine d'heures de moins que le précédent record détenu par Bruno Peyron et son équipage en 2005 (9j 11h 04').
« La dernière zone d'icebergs connue ayant été laissée sur tribord à quelques dizaines de milles, Groupama 3 a pu abattre un peu ce mardi et profiter au maximum du vent de Nord-Ouest assez fort pour mettre un peu de Sud dans sa route. En effet, la latitude de navigation de Franck Cammas et son équipage était encore relativement proche de l'Australie : cette trajectoire a été guidée à la fois par le vent des jours précédents et par la présence d'icebergs en grande quantité au Sud du 47. Ce décalage vers le Sud est nécessaire puisqu'il faut naviguer au moins sur 47°30 Sud pour éviter la Nouvelle-Zélande. Ainsi à bord de Groupama 3, on peut s'attendre à voir des VMG (vitesse de rapprochement par rapport au but) très élevées et proches de 28/30 noeuds, et à ce que l'écart avec le temps de référence continue d'évoluer positivement mardi et mercredi. » analyse Sylvain Mondon de Météo France.
Source : Groupama