Crédit : M.Mochet / AFP
24 dernières heures à couteaux tirés
Comme pour tous les bateaux de la course à avoir franchi la ligne d’arrivée jusqu’à présent, les dernières vingt-quatre heures pour Veolia Environnement auront été furtives… Jeudi midi, alors qu’ils étaient revenus au contact de l’équipage qui les précédait à la faveur d’un contre-bord gratifiant dans l’ouest, Roland et Jean-Luc ont abattu leur dernière carte pour passer incognito, imités en cela par W Hôtels, Akéna Verandas et Aviva. Pas facile alors de savoir lequel de ces quatre bateaux saurait déjouer les petits airs de l’arrivée et il aura fallu attendre ce vendredi matin, sous une pluie tropicale battante, pour avoir le dénouement de l’histoire et connaître la suite du classement de cette 9ème Transat Jacques Vabre.
Si le mode furtif a été actionné à terre, il ne l’a en revanche pas vraiment été en mer, les bateaux ayant navigué au contact toute la nuit… Comme pour tous, l’atterrissage sur Puerto Limon s’est fait au ralenti. La faute à une dépression stationnaire sur le Panama qui, depuis que les bateaux se succèdent au Costa Rica, génère ses petits airs à tout va comme pour déjouer tous les calculs d’estimation d’arrivée.
C’est bien connu, pétole et chaleur ne font pas bon ménage, et les organismes comme les nerfs, sur ces dernières heures de course, auront été mis à rude épreuve. La nuit dernière, Veolia Environnement et W Hôtels se sont à nouveau retrouvés à vue et le chassé-croisé aura duré toute la nuit. Dans les tout derniers milles avant la ligne d’arrivée, la bataille navale aura finalement tourné en faveur des Espagnols qui raflent la cinquième place de justesse, cinq minutes seulement devant Veolia Environnement, sixième.
Une Jacques Vabre en deux temps…
Pour Veolia Environnement, il y aura eu la course avant les Açores puis celle après les Açores. Bien placé aux avant-postes de la course, le monocoque rouge menait bon train dans le wagon de tête des partisans de l’option nord de ce début de parcours pour se frayer un chemin dans le système dépressionnaire qui se présentait à eux. Un choix assumé pour Roland et Jean-Luc qui savaient depuis le départ que leur bateau avait l’âge de ses artères. Il leur faudrait donc compenser le petit déficit de vitesse par rapport aux unités plus récentes et être d’entrée de jeu les mieux placés possible pour anticiper les petits airs de la fin de parcours, moins flatteurs pour Veolia Environnement. Conformément aux prévisions, les conditions des premiers jours de course ont donc été pour le moins musclées avec des vents forts générant des rafales à plus de 50 nœuds. Veolia Environnement a fait le dos rond… jusqu’au vendredi 13, jour de malchance annoncé, où le rail de grand-voile a lâché, les contraignant à faire escale à Horta, aux Açores, pour réparer.
5h30 plus tard, Veolia Environnement voyait rouge et repartait de plus belle en 4ème position. Mais malgré le peu de temps de perdu, la distance concédée ne sera jamais rattrapée sur les premiers. C’est une autre course qui commence. Rejoints alors par le groupe de poursuivants qui les assaillent, Bilou et Jean-Luc n’ont plus qu’une idée en tête : gagner dans le sud pour récupérer les hautes pressions et les alizés qui ont au final favorisé Foncia. Sous la chaleur tropicale, les écoutes se mettent alors à chauffer au portant pour tenter de contrer en vitesse les Espagnols passés cinquièmes. Propulsé en mer des Caraïbes, le match France–Espagne se sera alors poursuivi jusqu’à l’arrivée et il aura fallu attendre les arrêts de jeu liés à l’essoufflement d’Eole dans les derniers milles pour les départager.
Déclarations des skippers à l’arrivée :
Roland Jourdain :
« On n’a pas eu une nuit facile. On a refait la rencontre de nos amis espagnols hier soir par hasard. On a empanné ensemble, donc en s’était mis en mode furtif puisque l’organisation nous le proposait pour tenter des options et on est tombé l’un sur l’autre. Ca a donc été régate au contact toute la nuit à 500 mètres l’un de l’autre jusqu’à un demi-mille. On sait que ce bateau-là va vite, donc il fallait vraiment être dessus. C’est allé de pire en pire entre les grains, les orages et le vent qui bouge dans tous les sens. Dans un grain, on a réussi à virer avant, à repartir, et on leur a collé 5 milles… On s’est alors dit : les affaires vont bien car l’arrivée est proche. Mais ce matin, alors qu’on était dans le petit temps à 6-7 nœuds, on a vu passer au-dessus de nous un turbo, on pensait même que c’était un bateau à moteur, mais c’était W Hôtels qui était dans un vent différent du nôtre à 17-18 nœuds et ils nous ont passés, ne sachant pas que nous étions là. C’est frustrant parce qu’on a vraiment bossé toute la nuit pour contenir, mètre par mètre, la vitesse de ce bateau-là, mais il nous a quand même eus. On aurait bien aimé finir premier du 2ème groupe. »
« Cette transat me laissera plusieurs souvenirs. D’abord, l’étonnement des écarts sur cette course-là qui ne s’était pas vus depuis très longtemps, ensuite la confirmation que c’est dur comme métier d’être marin au long cours à essayer de gagner des courses. La confirmation aussi que Veolia Environnement accuse quand même le poids des ans sur les performances que je veux lui donner, il faut savoir accepter l’âge et le vieillissement. Et enfin, le souvenir d’une super course avec Jean-Luc car on s’est vraiment très très bien entendus à tous les niveaux et on a bien donné, donc de ce côté-là, on ne regrettera rien. On a fait des conneries, mais aussi des trucs bien, on revient avec le bateau en bon état, avec toutes les voiles impeccables et donc de quoi régater, mais les autres allaient un peu plus vite que nous. »
Jean-Luc Nélias :
« On aurait eu les moyens, je pense, de faire un truc genre Golding en finissant troisième, et puis, on a cassé et ça fait aussi partie de la course. Il a fallu s’arrêter et réparer. La chance que l’on a eue c’est que l’on avait les Açores sur notre route. On a donc pu faire un pit stop en perdant un minimum de temps pour se retrouver de nouveau en course, avec de la motivation et un bateau à doubler. Ca, c’était sympa ! A bord, l’ambiance était bonne. C’est à chaque fois une course, mais c’est aussi un bout de voyage. A terre, on est toujours plus distant. On a des moments de complicité, mais jamais comme en bateau. C’est vraiment extraordinaire pour ça ! »
Source : VB / Véolia Environnement