Roland, quelles sont les raisons pour lesquelles tu as choisi Jean-Luc en tant que co-skipper ?
Roland Jourdain : « Sur un plan strictement professionnel, c’est quelqu’un de très complet qui, cerise sur le gâteau, a développé des qualités de navigateur. Il met toujours une grande énergie à être plus performant et il a toujours cette soif de courir. Ensuite, sur un plan plus personnel, il y a ce que l’on peut appeler notre valeur ajoutée car entre nous, c’est toujours d’une grande simplicité. On se connait par cœur donc ça facilite tout un tas de choses : dans la préparation du bateau, la navigation… »
Est ce que l’on peut dire que vous avez la même approche de navigation ?
RJ : « Oui et non… On a la même approche dans le sens où l’un et l’autre, on a beaucoup bourlingué. Donc dans l’appréhension des situations au large, on a les mêmes genres de réflexes marins sur la préservation du matériel, la façon d’aborder les grains... Des trucs qui s’acquièrent avec le temps, je pense. Où on se complète sans doute, c’est que moi je dois avoir une approche plus instinctive et lui, plus cartésienne. C’est ce qu’il l’a sans doute fait aller vers sa spécialisation dans la navigation par exemple. »
Jean-Luc Nélias : « Pas forcément. On a commencé ensemble, on a ensuite suivi chacun notre voie et on a développé des aptitudes différentes. De temps en temps, on s’est croisé et là, depuis 3 ans, disons que l’on se croise un peu plus. »
Une question récurrente, c’est quoi la particularité du double ?
RJ : « Le double, c’est un exercice complet ! C’est à la fois du solitaire sur la moitié du temps passé en mer et ça redevient une course en équipage au moment des manœuvres. Deux bras de plus ça multiplie par deux les forces en présence et c’est énorme ! C’est aussi le cas dans la décision stratégique. Il y a un partage de la prise de risque en quelque sorte alors ça oblige au débat, à la discussion… De ce point de vue là, ça soulage d’une certaine façon…. On peut aussi partager les anecdotes du bord, des fous rires… Forcément à deux, tu es plus complice, qu’en équipage. »
JLN : « Pour moi, le double ce n’est pas de compléter l’autre mais plutôt de le suppléer. Ça permet de se reposer plus sereinement ! Tu dois avoir pleine confiance en l’autre et il doit vraiment avoir de la valeur ajoutée en étant fort et bon. J’ai toujours essayé de m’entourer de gens qui étaient au top de l’art. »
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, à l’heure du boom de la dosette, pas question de doser ses efforts en double alors ?
RJ : « Non, sur une Jacques Vabre, mieux vaut avoir le filtre rempli au max pour que ça coule en continue dans la cafetière nuit et jour jusqu’au Costa Rica. Après le rythme de la course fait que même si la distance n’est pas neutre, elle permet quand même un sprint donc au niveau du capital sommeil, on a le droit de prendre sur ses réserves. Il y a toujours évidemment une certaine gestion à tenir mais quinze jours à faire, ce n’est pas trois mois. »
JLN : « En double, il faut être à fond tout le temps et à 100% des performances du bateau, comme on le serait en équipage sauf que là, on est que deux. »
Naviguer en équipage réduit est un exercice que vous appréciez ?
RJ : « Oui, j’adore ça le double ! C’est un format qui me va bien parce que je ne suis pas un animal complètement associable... Et c’est un vrai plaisir de mener des bateaux de cette taille-là à deux. »
JLN : « Le double c’est bien, parce que quand tu as un bateau, tu peux inviter un copain, et quand tu n’as pas de bateau, un copain peut t’inviter. Ca multiplie par deux les chances de naviguer ! »
Pensez-vous que 2009 sera un grand cru ?
RJ : « Certainement, car sur les quatorze Imoca au départ, ce seront les meilleurs qui seront là ! Pour notre cas perso, il nous faudra toujours mener le bateau comme il faut et on n’aura pas le droit à trop d’erreurs sur la stratégie. »
JLN : « Cela reste une régate mais à l’échelle de l’Atlantique et comme toujours dans ces classes de bateaux, la bataille promet d’être intense. On peut s’attendre à ce que ce soit toujours plus serré qu’une course en solitaire parce que tu tires plus sur le bateau. A deux, on est quand même plus dans la compétition et moins dans l’aventure. »
(* : en 1995 sur Région Haute Normandie / multi 60 pieds skippé par Paul Vatine, et en 2001 sur Sill / mono 60 pieds avec Gaël Le Cleac’h)
Source : VB / CanYouSea