Transat Jacques Vabre / Ce n'est qu'un début...

Les navigateurs océaniques sont-ils vraiment raisonnables ? Alors qu’ils ont les uns comme les autres aux alentours de 5000 milles à courir, on a assisté à des bagarres au couteau d’entrée comme s’il s’agissait de remporter une régate en baie avant de revenir s’asseoir paisiblement au bar du yacht-club pour y refaire la course du jour… C’est aussi qu’il s’agit de marquer des points dès le départ, de prendre un ascendant psychologique sur ses adversaires. Et comme le dit l’adage : ce qui est pris n’est plus à prendre.

© MOCHET Marcel / AFP
Temps de demoiselle sur la ligne de départ de la Transat Jacques Vabre. A la sortie des bateaux, une brise paresseuse de sud-est peinait à se lever et promettait un début de course tout en langueur. A l’heure du départ des Multi50, la flotte avait du mal à s’extirper des petits air alors que Franck-Yves Escoffier et Erwan Leroux (Crêpes Whaou !) prenaient le meilleur départ devant Victorien Erussard et Loïc Féquet (Guyader pour Urgence Climatique). Calé à leur vent, Hervé Cléris et Christophe Dietsch (Prince de Bretagne) montraient que leur handicap de préparation n’avait en rien entamé leur pugnacité. Mais rapidement le tandem Yves Le Blévec – Jean Le Cam (Actual) faisait parler le potentiel de leur plan Verdier pour revenir au contact des deux leaders. Après quelques milles à peine, les deux nouveaux derniers-nés de la classe Multi50 faisaient montre d’une vitesse appréciable et commençaient à se détacher du reste de la flotte, talonnés encore par l’équipage malouin, Erussard – Féquet. S’engageait alors une bataille d’empannages dans un vent mollissant au large quand, sur la côte, un nuage prometteur d’un peu plus de vent commençait à toucher les IMOCA pressés d’en découdre.

Crédit : A.Coucoux

De l’audace, toujours de l’audace
Changement de décor pour les monocoques : un léger renforcement du vent et une bascule franche vers l’est obligeait la flotte à un départ au vent arrière. A ce petit jeu, deux approches tactiques prévalaient. Certains soucieux de disposer d’une certaine vitesse choisissaient de hisser leur spinnaker relativement loin de la ligne avec plus ou moins de bonheur : si Dee Caffari et Brian Thompson (Aviva), tout comme Sébastien Josse et Jean-François Cuzon (BT) trouvaient le bon timing, d’autres se laissaient engluer dans le ventre mou de la flotte tels Michel Desjoyeaux et Jérémie Beyou (Foncia) qui, aux prises avec un spinnaker récalcitrant, ne pouvaient que constater, impuissants, les dégâts. D’autres, plus joueurs, avaient choisi de partir en tribord amure sous grand-voile seule pour contraindre leurs adversaires à s’écarter profitant de leur position prioritaire suivant les règles de course. Deux bateaux particulièrement audacieux tentaient ainsi de partir à raser le bateau comité, mouillé, une fois n’est pas coutume, à bâbord de la ligne. Marc Guillemot et Charles Caudrelier (Safran) parvenaient ainsi à trouver une place favorable en milieu de ligne et lancés à pleine vitesse, creusaient rapidement un petit écart sur leurs poursuivants. Kito de Pavant et François Gabart (Groupe Bel) tentaient, quant à eux, d’exploiter pleinement leur avantage au bateau comité, mais se voyaient contraints d’empanner à rebours de la flotte sous peine de se retrouver déventé. Une option solitaire qui ne devrait pas avoir de conséquences malheureuses pour la suite des opérations.

Qui va piano…
Pour l’heure, il s’agit maintenant, l’excitation du départ passée, de rentrer dans le rythme de la course. La première nuit de mer va être l’occasion pour les tandems de prendre leurs marques, de laisser s’instaurer une routine encore fragilisée par la nécessité de travailler les réglages au mieux. Trouver le bon compromis entre la nécessité de ne pas se mettre dans le rouge et le besoin impératif de rester dans un tempo performant n’est pas forcément l’exercice le plus facile. Les scories de la vie à terre ne s’éliminent pas en un tour de main et il y a fort à parier que les premières heures de course en porteront encore les stigmates. La traversée de la Manche devrait se dérouler relativement tranquillement dans un vent de nord modéré. Les choses sérieuses commenceront à la pointe de Bretagne avec la traversée d’une dorsale océanique : derrière cette zone sans vent, la flotte devrait trouver des vents d’ouest puissants. Route nord, route sud, viendra l’heure des premiers choix et du véritable remue-méninges.

Classement à 17 heures :

Multi 50 :

1 Crêpes Whaou ! (FY Escoffier – E Le Roux)
2 Actual (Y Le Blévec – J Le Cam)
3 Guyader pour Urgence Climatique (V Erussard – L Féquet)

IMOCA 60 :
1 BT (S Josse – JF Cuzon)
2 Groupe Bel (K de Pavant – F Gabart)
3 Mike Golding Yacht Racing (M Golding – J Sanso)
Source : Transat Jacques Vabre