© Arnaud Pilpré / Team FONCIA
Votre histoire avec la Transat Jacques Vabre…
Jérémie Beyou : « Je ne l’ai disputée qu’une fois, en 2003 sur PRB avec Vincent Riou où nous avions terminé 4èmes. »
Michel Desjoyeaux : « J’ai démarré très fort puisque lors de ma première, en 1999 avec Alain Gautier, nous avions chaviré au large de Cherbourg. Nous étions partis pour 15 jours de mer et cela s’est fini au bout de 4 heures ! Ca a fait des belles photos, nous en étions sortis indemnes mais nous avions bien failli perdre le bateau (ndr : Brocéliande). Ensuite, je les ai toutes faites : en 2001 avec Jean-Luc Nélias (Belgacom), en 2003 avec Hervé Jean (Géant), en 2005 avec Hugues Destremeau (Géant) et en 2007 sur FONCIA où nous avons gagné avec Manu Le Borgne. »
Une course en double, c’est une vraie vie de couple ou deux solitaires qui se croisent ?
Jérémie Beyou : « Un peu des deux. Il faut arriver à se croiser en faisant un minimum attention à l’autre. Ca dépend des phases. Il y a des choses qu’il faut absolument faire à deux et d’autres qu’il faut savoir faire tout seul pour que l’autre puisse se reposer. Cela dépend aussi du profil du coéquipier. »
Michel Desjoyeaux : « Justement, sur mes précédentes Transat Jacques Vabre, j’ai eu des coéquipiers compétents, tout à fait capables de remplir leur mission, mais il y a toujours eu une sorte de relation hiérarchique. Avec Jérémie, nous sommes deux skippers à part entière, deux personnes capables d’être le skipper de l’autre. »
Ce sera donc une relation égalitaire !
Michel Desjoyeaux : « Le but du jeu c’est de faire en sorte que l’équation 1+1 fasse plus que 2. C’est l’intérêt d’avoir deux personnes très polyvalentes et très autonomes. Il faut être capable d’avoir un regard critique sur ce que propose l’autre dans le but de construire. L’idée n’est pas de se dire : c’est le skipper qui propose donc je dis "Amen". Il faut être capable de décider seul, sans être obligé d’en référer tout le temps. C’est aussi une des choses que je viens chercher chez Jérémie, il faut que je puisse me reposer sur lui et aller dormir sans me dire : "que va-t-il se passer pendant ce temps ?" Là, je sais que j’ai quelqu’un sur le pont qui a toutes les manettes et qui sait tout bien faire… »
Quels sont les qualités et les défauts de Michel ?
Jérémie Beyou : « Des qualités, il en a plein. Sportivement, il est toujours au top et il a la capacité de se remettre en question comme cet été sur la Solitaire du Figaro (ndr : Michel a fini à la 5ème place). Peu de marins le font… c’est symptomatique de son fonctionnement général. Il a une grande ouverture d’esprit et dans notre sport, c’est important. Les défauts ? Peut être son côté très instinctif alors que moi, j’ai besoin de plus de rationalité. Pour le reste, je ne sais pas encore, je vais découvrir. Mais s’il ne fait pas le café le matin, ça va mal aller (Rires) ! »
Et de Jérémie ?
Michel Desjoyeaux : « C’est quelqu’un de très tenace, de très travailleur et qui a un excellent profil de régatier-coureur au large. Ses défauts ? Je pense qu’il est parfois un peu trop gentil. Il adore la régate et la compétition, il a l’acharnement qui va avec. Mais il lui manque peut-être parfois ce petit truc de tueur… »
Une transat à deux, c’est deux fois mieux qu’en solo ?
Michel Desjoyeaux : « Oui, deux cerveaux valent mieux qu’un. Quatre bras mieux que deux (Rires) ! »
Jérémie Beyou : « Au niveau stratégie, tu es en veille permanente, donc normalement, tu ne rates pas grand chose. Tu prends moins de risques à deux et puis c’est sympa, tu as quelqu’un avec qui discuter ! »
Comment allez-vous organiser votre vie à bord ?
Michel Desjoyeaux : « Je ne suis pas amateur des quarts longs, parce qu’au bout de 4 heures, tu n’es plus bon à rien. Mais le problème avec les quarts courts, le temps que tu te déshabilles, que tu te détendes, finalement tu ne dors qu’une demi-heure, donc ce n’est pas très efficace non plus. L'idéal, c’est de faire des quarts à durée variable selon le moment de la journée et les conditions de navigation. Il ne faut pas rester figé sur des trucs super rigoureux, ce n’est quand même pas la Marine Marchande ! En double, tu es vraiment à cheval entre du solo où il faut tout gérer au pied levé, 24h sur 24h, et de l’équipage. Il faut donc être souple à l’intérieur d’un cadre organisé. »
Le côté affectif est-il important dans le fonctionnement du tandem ?
Michel Desjoyeaux : « Déjà, dans le choix du coéquipier, il y a forcément de l’affect. Même s’il y a des contre-exemples qui ont fonctionné, je ne conçois pas de faire une régate comme si je partais au boulot, avec un mercenaire à bord, ou de supporter un skipper irascible. Après 15 jours sur le même bateau, j’ai aussi envie que l’on puisse aller boire des coups ensemble à l’arrivée ! »
Jérémie Beyou : « De toute façon, si tu ne comprends pas l'autre, tu n’es pas performant. Tu passes du temps à deux, mais pas seulement sur le bateau. Il y a aussi le temps de préparation en amont avec l’équipe, la famille… Cela peut paraître un peu futile mais c’est important et cela fait aussi partie du jeu… »
Source : Foncia