Chaud, bouillant, corsé… Le chocolat, la sauce météo à laquelle la flotte de la Solidaire va être mangée d’ici quelques heures, ne passera pas dans la douceur, bien au contraire. Après un départ dans des conditions clémentes, la course va changer de couleur et de saveur. Place à la tempête avec l’arrivée d’une copieuse dépression qui va malmener cette nuit les hommes et les bateaux. Pour l’heure, le gros des troupes, emmené par Pôle Elior Santé-Mistral Loisirs (Bouchard-Krauss) et Cheminées Poujoulat (Jourdren-Stamm), taille à l’ouest pour échapper au pire, quand Telecom Italia (Solidini-D’Ali) progresse sur une route très marquée et pique au sud…
Avant d’aller au front, au propre comme au figuré, les 24 équipages tentent de tirer le meilleur des conditions ont ils disposent pour glisser sur la route. La plupart des duos ont choisi leur camp : ils prennent le large et mettent beaucoup d’ouest dans leur cap… Une course contre la montre est en effet engagée avec le train de dépressions, qui se met en ordre de marche vers le golfe de Gascogne. Sur l’eau, le renforcement progressif du vent (jusqu’à 28 noeuds de sud-est ce lundi après-midi), la couverture nuageuse qui assombrit le ciel, et les vagues plus promptes à mouiller le pont des voiliers, ne trompent plus personne : les conditions météo se dégradent progressivement. Comme prévu, ça monte et ça se corse crescendo. Le Golfe gronde déjà.Bientôt, il se mettra dans tous ses états.
Esquiver les coups, éviter les chocs
Les équipages se préparent à faire le dos rond. À bord de tous les bateaux, les esprits se tendent pour mieux anticiper les manoeuvres dans le plus fort du coup de vent. Ils profitent de la période de transition entre les deux systèmes pour mieux esquiver les coups et éviter les chocs. Ils s’efforcent aussi de tirer le meilleur de
leur 40 pieds dans des conditions encore propices à la glisse comme en témoignent les vitesses enregistrées ces dernières heures : près de 15 noeuds du côté de Cheminées Poujoulat ; pas loin de 16 pour le duo d’Initiatives-Novedia (De Lamotte-Hardy), qui occupe par ailleurs une position intéressante. Il affine sa trajectoire et dose entre ouest et sud.
Option italienne
La course n’en a effectivement pas encore perdu ses droits alors que les prévisions n’annoncent rien de réjouissant. Moins de 24 heures après le départ de Saint-Nazaire, de grandes options stratégiques de dessinent néanmoins. Tous les regards se braquent déjà sur le sillage des Italiens, Giovanni Soldini et Pietro D’Ali, fermement décidés à gagner dans le sud. Ils plongent quitte à emprunter une route qui les emmène non loin du cap Finisterre, pourtant réputé pour l’état désastreux de sa mer et la violence des rafales qui y sévissent au passage d’un front. Comme le veut le jargon, ils tentent de faire la cuillère par le dessous pour s’extirper au plus vite et peut-être se faufiler en dessous du vaste système de basses pressions attendu et redouté. Ils affichent désormais près de 30 milles de retard sur les premiers, mais persistent et signent sur des chemins détournés. Affaire à suivre après une nuit que tous annoncent mouvementée. Aux abords du cap Finisterre comme plus au large, cette nuit, la guerre du Golfe aura bien lieu. Vivement demain…
Météo : gare aux chocs !
« Les concurrents vont subir leur premier coup de vent la nuit prochaine, avec un passage de front froid en milieu de nuit. Le vent va s'orienter au suroît et fraîchir à 30/35 noeuds avec des rafales qui pourront atteindre les 50 noeuds au passage du front. Derrière c'est une traîne active, nord-ouest soutenu, rafales à 45 noeuds et une mer bien formée avec des creux atteignant les 6 à 8 mètres », Richard Silvani, Météo France
Mots chocs
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « La nuit s’est plutôt bien passée dans un vent portant, d’abord assez mou et forcissant. Après on a essayé de bien gérer les changements de voiles et de se relayer pour dormir. Il faut essayer de bien comprendre ce qui nous arrive dessus pour anticiper ce qu’on va faire, surtout pour les changements de voiles et les prises de ris afin ne pas casser le matériel. On doit tout fixer dans le bateau pour que tout reste en place. Le temps est nuageux, il y a encore un peu de soleil, mais on voit que ça commence à se voiler. La mer commence à se former, une vague sur deux finit sur le pont… »
Pascal Douin (PHR) : « On poursuit notre option à l’ouest. Vu les prévisions, on pousse pour avoir la bascule du front cette nuit. On s’efforce de progresser le plus vite possible. Nous sommes juste derrière Cargill-MTTM (Damien Seguin-Armel Tripon, ndlr). Actuellement, Laurent s’éclate à la barre, on surfe dans les vagues avec des pointes à 17 noeuds. Tous les modèles s’accordent sur la venue du front, on sait à quoi s’attendre. Le vent va refuser progressivement, puis nous allons subir la situation. On va être très sollicités pendant la nuit, mais c’est le jeu. »
Jacques Fournier (Groupe Picoty) : « Après un démarrage un peu difficile, nous avons sorti notre petite arme secrète, un code 0 (une voile d’avant pour le petit temps, ndlr), et là nous sommes revenus dans le paquet. Nous n’avons pas trop dormi cette nuit, mais nous allons essayer de récupérer cet après-midi. Nous connaissons bien le bateau, il a déjà disputé trois transats en course, c’est un avantage. »
Bernard Duval, directeur de course : « Le passage du front est prévu à partir de 20h-22h ce soir. La flotte va essuyer des vents forts jusqu’à 9 h demain. Les skippers traversent actuellement une période de transition : ils auront eu une nuit et une journée pour se préparer à ce fort coup de vent et les bateaux sont très marins. À part Telecom Italia, qui est plus sud que les autres, le gros de la flotte poursuit une option ouest pour éviter de s’approcher trop près du cap Finisterre qui ne sera pas l’endroit le plus agréable. »
Source : La Solidaire du Chocolat