Se sortir du dédale des îles de la Mer Egée n'est pas chose facile et depuis plus de 24 heures, les marins de l'Istanbul Europa Race en font la douloureuse expérience. Soumis aux dévents incessants générés par les terres, tous sont logés à la même enseigne et susceptibles de se faire piéger. Si ce phénomène inhérent à la navigation aux abords du Péloponnèse présente pour les observateurs l'avantage de pimenter l'histoire, pour les marins, il est avant tout source de tensions. Les nuits sont ainsi placées sous le signe de l'incertitude et les classements du matin entraînant avec eux satisfaction pour les uns et désillusions pour les autres, rappellent l'ingratitude autant que la magie des lieux. A environ mille milles de l'arrivée, Kito de Pavant s'affiche en leader inspiré mais connaît la fragilité de son statut…
Si sur le papier, la première étape de l'Istanbul Europa Race a des allures de guide de voyage pour citadins stressés, pour les marins, elle est entrain de virer à la guerre des nerfs. Depuis leur entrée en Mer Egée hier matin, les six équipages se sont en effet mués en slalomeurs des mers, tentant, autant que possible, de se déjouer des pièges tendus par les îles. A ce jeu là, si toutes les inspirations stratégiques sont les bienvenues, il faut souvent accepter de perdre pour regagner ensuite. Nul n'échappe à la règle. Ainsi, le leader de ces dernières 24 heures, Kito de Pavant, confiait-il à l'occasion de la vacation du jour avoir connu une neutralisation de sa trajectoire pendant deux heures. La faute à un gros caillou venant perturber le vent de la Vache. Du côté de ses poursuivants aussi les déconvenues et autres surprises parfois désagréables sont venues troubler une vision idyllique. Mais à y regarder la valse des positions et surtout des écarts, on sait que rien n'est figé. La stratégie à très court terme s'organise et on tente de limiter les dégâts.
L'Europe dans la course
La quasi absence du Meltem, ce vent caractéristique de la zone soufflant à cette période de l'année et pouvant aller jusqu'à 50 nœuds, est désormais une donnée intégrée et l'idée consiste à perdre le moins possible le long des îles. Dans des vents flirtant péniblement avec les dix nœuds, envisager une option radicale n'est pas à l'ordre jour, d'autant qu'en tout l'incertitude plane. Mais pour le moment, Groupe Bel possède un micro matelas que dans de telles circonstances il convient de préserver comme une grande richesse, d'autant que le souffle des quatre plus proches poursuivants pourrait vite se faire sentir. Pour y échapper, le monocoque rouge a pris le parti d'un passage entre la pointe du Péloponnèse et l'île de Cythère quand Michel Desjoyeaux, Roland Jourdain, Guillermo Altadill et Jean-Pierre Dick tricotent dans l'Est. A qui les Dieux grecs donneront-ils raison ? Le choix ne sera pas aisé tant les prétendants ont les arguments pour les séduire. En effet, même si le commandement échappe pour l'heure à ces quatre équipages, aucun n'affichait en ce deuxième jour de course d'inquiétude particulière quant au caractère définitif du classement. Au contraire, là où les bulles coincent parfois les marins, s'organise la vie du bord. Dans des moments difficiles pour les nerfs, les hommes se soudent et achèvent de se découvrir. Les différentes cultures s'expriment et ce joyeux mélange contribue à donner à cette épreuve unique sa stature européenne. Ainsi, français, espagnols, hollandais, américains et irlandais sont-ils tous embarqués dans la même galère...
Entrée en Mer Ionienne
Enfin, un peu en retrait après avoir été victime de la pétole dans les Dardanelles, DCNS peine à réduire son retard. Silencieux ce midi, les hommes de Marc Thiercelin doivent actuellement mettre toute leur énergie à réduire l'écart et revenir dans le match. Mais en marins d'expérience qu'ils sont, ils savent sans doute pertinemment bien que si on ne peut réussir tous les coups stratégiques, une seule belle inspiration peut suffire à changer la donne et relancer le suspense. Avec ce que réserve le scénariste de cette Istanbul Europa Race, ceux qui ferment actuellement la marche devraient avoir de quoi se refaire. En attendant, chacun se prépare aux adieux avec la mer Egée et à présenter ses hommages à la mer Ionienne. Mais là encore, les choix seront compliqués, les vents vraisemblablement faibles et instables,et les prédictions difficiles. Décidemment que la course est belle !
Classement du 31/08/2009 à 16:00 UTC
1. : Groupe Bel 1 000,1 milles
2. : Foncia +28,7 milles
3. : 1876 +33,7 milles
4. : Veolia Environnement +33,9 milles
5. : Paprec Virbac 2 +47,6 milles
6. : DCNS +91,8 milles
Source : Istanbul Europa Race