Le vent de sud-ouest qui s'est stabilisé sur zone continue de pousser la flotte de Class 40 à bonne vitesse vers les abords du golfe de Gascogne. Pour tous les concurrents, le jeu consiste à essayer de continuer à gagner dans le nord sans s'éloigner trop de la route directe. C'est une navigation de « gagne-petit » où le meilleur sera celui qui saura exploiter les moindres bascules du vent en direction, pour empanner au bon moment. Et gare aux manœuvres à contre temps. "Telecom Italia" creuse à nouveau l'écart sur le reste de la flotte.
©Stéphanie Gaspari
Ne pas se laisser griser par les vitesses qui augmentent… Garder le même seuil de vigilance malgré les milles qui déroulent sous la quille. Quand le vent monte légèrement, que l’on a enfin retrouvé la pression qu’on attendait, la tentation est forte de se laisser bercer par les moyennes retrouvées. Et pourtant ! Le diable prenant un malin plaisir à se cacher dans les moindres détails, c’est quand on est incité à goûter le plaisir d’une trajectoire cohérente et d’une vitesses satisfaisante que d’autres, plus intuitifs ou plus perfectionnistes, ont fait l’effort, à la faveur d’une petite bascule de vent, de se recaler, d’empanner par deux fois… Avec au bout du compte, quelques milles supplémentaires grappillés sur les adversaires.
Car dès que le vent monte un peu, un empannage demande un engagement certain. Tout commence d’abord par le « matossage » à entreprendre, cette noble tâche qui consiste à participer à l’équilibre du bateau en transférant tout ce qui peut l’être du mouillage secondaire de près de vingt kilos à la petite cuillère d’un bord à l’autre du bateau. Particulièrement pénible aux allures de près, il n’en demeure pas moins source d’une bonne suée aux allures portantes, quand il s’agit de déplacer des masses indues dans un espace confiné. Avantage corollaire, le « matossage » est la juste expression des rapports de pouvoir ou de savoir-vivre, c’est selon, entre les deux équipiers du bord. Il faudra ensuite participer à la manœuvre elle-même qui consiste à faire passer spinnaker et grand-voile d’un bord sur l’autre. Réalisé dans le bon timing, l’empannage ne pose pas de difficultés particulières mais, que le barreur ait un tant soit peu d’avance ou de retard sur l’équipier chargé d’embraquer des mètres d’écoute, et l’opération peut vite devenir scabreuse. Ce qui se traduit parfois par des messages adressés à la direction de course évoquant des mètres de coutures et des trésors de patience.
Tactique au portant
On imagine bien qu’à l’issue de l’empannage, il serait malvenu de constater que finalement : « l’autre bord était peut-être meilleur, que l’angle n’est pas terrible», et que le mieux serait d’empanner à nouveau en sens inverse. On a vu parfois certaines amitiés indéfectibles ne pas y résister.
Le tandem Soldini – Fauconnier ne risque guère d’être atteint par ce mal. Il avait déjà démontré son aisance tactique aux allures de près lors de la traversée du golfe de Gascogne à l’aller. Les allures portantes ont l’air de lui réussir tout autant. A ce petit jeu, les équipages étrangers ne sont pas manchots puisque outre notre leader franco-italien on trouve deux équipages britanniques, un franco-belge et un allemand dans les six premiers. La force d’intervention européenne est toutefois complétée par CG Mer (Wilfrid Clerton – Loïc Lehelley) en troisième. Zed 4 (Gérald Bibot – Didier Le Vourc’h), deuxième de la première étape, CG Mer quatrième, Palanad II (Nicholas Brennan – Alex Alley) cinquième, tous ces bateaux se tiennent dans un mouchoir. Si décrocher Telecom Italia de son trône semble relever de l’irrationnel, la bagarre pour le podium est lancée. Plus que jamais, il faudra savoir être vigilant. Chaque degré gagné sur la route comptera.
Source : PFB / Les Sables - Horta - Les Sables