Il ne les a pas vus mais il sait qu'ils sont là. A la vacation de ce matin, Thomas Coville ne pouvait cacher son angoisse. En effet, son trimaran approche actuellement d'une zone où des icebergs ont été repérés par satellites.
Positionné très au Nord, un peu en dessous du 48e parallèle (justement pour contourner cette région à risques) le skipper de Sodeb’O témoigne néanmoins d’une température de l’eau de 3 à 4 degrés et de givre installé sur les hublots. Des signes que la glace n’est peut-être pas loin. Ces derniers hivers, les informations n’étaient pas aussi précises et les navigateurs avançaient sans connaître réellement la probabilité de faire ce type de mauvaises rencontres dans le Pacifique Sud.
« Je suis moins concentré sur le réveillon que sur ces invités dont je me serais bien passé, » confie-t-il. Même s’il va parler avec ses proches, grâce à ce téléphone qui réduit quelques instants les distances, Thomas ne sera pas serein. Nouveau détour par le Nord, radar en marche et veille permanente sur le pont, ce Noël 2008 aura une saveur particulière pour celui qui vit « une réalité tout autre. Une plaque de banquise, grande comme la Corse, s’est décrochée de la banquise. En dérivant vers le Nord-Nord Est, elle s’est aussi brisée, formant des centaines d’icebergs, dont certains ont été repérés sur ma route. »
Malgré tout, le skipper compte se préparer un repas spécial à bord de Sodeb’O, composé de risotto et jambon cru, agrémenté des cadeaux cachés par sa famille et ses amis dans le bateau. « Noël est une fête de famille, très importante pour les enfants, un instant où l’on se retrouve, où l'on renoue avec les siens. C’est un moment d’amitié et d’amour à partager. Moi je suis seul et c’est comme ça. »
Le skipper commente également son retard actuel de 2 000 milles sur le record de Francis Joyon : « Nous avons le maximum de retard que ce que nous nous étions fixé. A moi, de tout faire pour ne pas l’accroître mais en ce moment, nous sommes obligés de parcourir beaucoup plus de route que Francis, en raison de cette trajectoire Nord. C’est terriblement frustrant mais il faut faire avec, c’est l’exercice même de ce record autour du monde, je dois faire au mieux avec ce qui m’est donné. De ce point de vue, je n’ai rien à regretter, j'ai au moins cette satisfaction de savoir que je m’investis à fond depuis le départ, que je ne lâche rien. »
D’ailleurs, Thomas mets tous les jours en pratique cette logique implacable disant que lorsque le physique va, le moral suit. « Je dors 3 heures par jour depuis 35 jours et je tiens. Je mange aussi correctement. Je suis content de la manière dont mon corps endurent les manœuvres, le froid, la fatigue et cela influence directement mon moral. »
Source : Sodeb'O