Jeudi matin, Safran s’est dérouté immédiatement pour porter assistance à Yann Eliès, gravement blessé à la jambe gauche et immobilisé à l’intérieur de son bateau. Après une navigation inconfortable d’une centaine de milles, Marc Guillemot est arrivé cette nuit vers 23 heures près de Generali. La présence de Marc permet à Yann Eliès d’attendre l’arrivée des sauveteurs australiens, prévue samedi après-midi, avec plus de sérénité.
« Je ne lâcherai pas Yann », avait prévenu Marc. Et il tient parole, « comme n’importe quel marin le ferait ». Depuis 23 heures, heure française, Marc a réussi la nuit dernière à entrer en contact par VHF avec son copain Yann Eliès qui souffre d’une fracture du fémur gauche. Les deux hommes sont entrés dans une toute autre dimension que celle de la course. Cette fois, on parle de la solidarité des gens de mer et de l’impérieuse nécessité de tirer un ami d’un mauvais pas dans ce décidément terrible Océan Indien, à 1 500 kilomètres de la première terre habitée.
« Un grand moment de réconfort »
A la vacation du Vendée Globe de 11 heures, Marc Guillemot raconte l’incroyable : « Je suis à 500 mètres dans l’axe du bateau de Yann, je viens de me rapprocher de lui, on a beaucoup parlé. Tout à l’heure il y a eu un grand moment, très fort émotionnellement : j’ai mis mon bateau sous pilote pour passer à quelques mètres du tableau arrière de Generali et j’ai crié. J’ai vu dans la descente de Generali les mains de Yann s’agiter et l’ombre de sa tête. On s’est appelé juste après en VHF, et mine de rien c’était un grand moment de réconfort pour lui…. et aussi un peu pour moi. Je sais ce qu’est la souffrance en mer (ndlr : Marc a eu le bassin fracturé dans l’accident du multicoque Jet Services IV), c’est extrêmement dur, mais entre le moment où je suis arrivé et maintenant (12 heures plus tard, ndr), je sens au timbre de sa voix que la tête va mieux, qu’il est entré dans une perspective de patience, d’attente des secours. Si je lui ai apporté un petit quelque chose, tant mieux, ça me satisfait. La course était super, mais je n’ai évidemment aucun regrets. On est passé à autre chose… Ce ne sont que des gestes normaux de marins entre eux ».
« La priorité, c’est aider les hommes »
Le skipper de Safran a réalisé plusieurs manœuvres d’approche, tentant même de lancer des bouteilles d’eau dans la cabine de Generali sur lesquelles il avait scotché des médicaments… Avec en prime une petite boîte de « pâté bleu », le réconfort du marin breton. « Pour l’instant, la première bouteille a atterri dans le cockpit et la seconde dans l’eau, ce qui est bon signe c’est qu’on a même fini par en plaisanter avec Yann. Il faut dire que nous autres les Bretons avons un gros défaut : on est têtus et on ne lâchera pas l’affaire avant une fin heureuse… et elle SERA heureuse ! », a affirmé Marc Guillemot à qui tout le monde - de l’équipe de Generali à la direction de course en passant par des milliers d’Internautes – a rendu aujourd’hui un hommage appuyé.
Gros temps annoncé cette nuit
Le skipper de Safran s’est montré très rassurant, même face à la perspective du coup de vent qui approche de la zone où Generali est à la cape, sous trois ris et trinquette : 30 à 35 nœuds de vent, 40 dans les rafales et une mer grosse. « Ce n’est rien ça, le mauvais temps on va le gérer et je reste à ses côtés tant que Yann n’est pas en sécurité à bord du bateau de la marine australienne ».
La marine australienne sur zone demain
La Royal Australian Navy pourrait être sur la zone dès demain après-midi, vers 15 h heure française, au moment où le temps devrait être plus calme, derrière le front. A bord de la frégate HMSA Arunta, une centaine d’hommes a appareillé hier soir de Perth et cingle vers les deux marins. Samantha Davies (Roxy) qui s’est également dérouté, aura rejoint les deux marins vers minuit. Apportant un peu de réconfort supplémentaire à ces deux hommes qui sont en train d’écrire une grande page de la légende du Vendée Globe. Celle-ci viendra s’ajouter à celles du sauvetage de Poupon par Peyron en 1989 et de Dinelli par Goss en 1996. Une de ces aventures de course au large qui forcent le respect et l’admiration de tous, même quand leurs protagonistes se défendent de jouer les héros.
Yann a pu accéder à des anti-douleurs
En toute fin de vacation, on apprenait une excellente nouvelle par la voix d’Erwan Steff, team manager de Generali : Yann Eliès a pu couper au couteau un de ses sacs et y trouver des anti-douleurs, une boisson et de quoi s’alimenter. Une raison de plus pour croire avec Marc Guillemot que « tout va bien se passer. Je suis certain qu’on va bien s’en sortir et qu’on en rigolera peut-être ensemble avec Yann, dans les mois à venir ».
Source : Safran