La longue route de Loïck Peyron

Le parallèle avec Bernard Moitessier tient uniquement dans le titre, car bien loin de Loïck Peyron l’envie de tourner sans toucher terre … C’est précisément cette perspective qui motive jour après jour le skipper de Gitana Eighty. Voilà déjà une semaine que le rêve de Vendée Globe du marin baulois et du Gitana team fut stoppé net au large des îles Kerguelen. En une fraction de seconde, celui qui avait jusque là animé magnifiquement le premier tiers de course de cette 6ème édition du tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance, a dû rendre les armes suite à la casse de son mât.


Après 48 heures d’attente, nécessaire à l’élaboration du plan de récupération du monocoque et du marin, la décision fut prise de faire route vers l’Australie et plus précisément vers le port de Fremantle sur la côte Sud-Ouest, alors distant de 2 800 milles. Depuis, paré de son gréement de fortune, que Loïck Peyron améliore tant bien que mal au fil des jours, Gitana Eighty poursuit sa traversée de l’Indien ; un océan qui une fois encore n’a pas failli à sa mauvaise réputation … En effet, vendredi dernier, le suisse Dominique Wavre annonçait qu’il se déroutait vers les Kerguelen suite au bris de sa tête de quille. Une sérieuse avarie qui venait mettre un terme à la course du navigateur helvète. Quelques heures plus tard, c’est au tour de son compatriote Bernard Stamm de signifier des difficultés de safrans. Le suisse décide alors de rallier le Port-aux-Français aux Kerguelen, mais les conditions météo particulièrement musclées à son arrivée dans la Baie du Morbihan auront raison du moral inoxydable du marin. Il va jouer de malchance et son bateau viendra s’échouer à la côte. Hier malheureusement, le démâtage de l’anglais Mike Golding et l’annonce du retrait de Jean-Baptiste Dejanty sont venus ajouter deux abandons à une liste déjà trop longue …

Un bilan qu’analysait brièvement le skipper de Gitana Eighty : « Il y a malheureusement eu une grande épidémie après moi et je suis vraiment désolé pour eux, avec une mention spéciale pour Bernard. Mais ce n’est pas être fataliste que de dire que cela ne m’étonne pas ! En nous engageant au départ du Vendée Globe nous savons tous que certains bateaux ne passeront pas la ligne d’arrivée. Nous partons en connaissance de cause mais on espère juste ne pas en faire partie… Le rythme de cette 6ème édition n’est pour moi pas à l’origine de ces avaries. La voile est un sport mécanique qui progresse et se perfectionne sans cesse, mais il reste des aléas et des impondérables. Nous sommes dans une classe Open, à la barre de prototypes … »

La route vers l’Australie est encore longue – 1 800 milles ce mercredi 17 décembre - et après 31 jours de régate intense, la fin du voyage est assez particulière pour Loïck Peyron. Car si les marins en course supportent – presque avec bonheur oserait-on dire – les bruits et les chocs de la mer, lorsque la progression n’est plus motivée par l’attrait de la compétition cela devient beaucoup plus difficile : « Cette situation n’est pas agréable pour plein de raisons, et tout d’abord parce que je préfèrerais vraiment être en course plutôt qu’ici ! Sans mât, la navigation est très inconfortable d’autant qu’actuellement le vent est soutenu – aux alentours des 35 nœuds depuis hier – et la mer est forte et très compliquée. Les empannages sous gréement de fortune sont assez chauds… heureusement, il n’y a pas trop de manœuvres. Mais par chance, j’ai ma grande collection de bouquins, alors j’essaye de passer le temps en lisant. Je cogite aussi sur les petits épisodes de vents faibles à venir et sur la mise en place d’une troisième voile pour mieux progresser dans le petit temps» concluait Loïck Peyron.

Mais ces longues journées en direction de l’Australie sont bien sûr l’occasion pour Loïck Peyron et son équipe à terre de repasser le film de cet incident et de tenter d’en décrypter les origines, même si il faudra certainement attendre plusieurs semaines pour que la casse de ce mât soit élucidée.

Une fois qu’il aura touché terre, le skipper originaire du Pouliguen aura à cœur de retrouver les siens au plus vite, et les hommes du Gitana Team prendront alors le relais pour organiser le rapatriement du monocoque Imoca vers l’Europe. Mais selon les dernières estimations, Gitana Eighty ne devrait pas regagner le port de Fremantle avant le 29 ou le 30 décembre prochain.

Crédit Photo : Loïck Peyron / Gitan Team
Source : Gitana Team