Francis Joyon a pulvérisé ce dimanche 16 juin le record de la traversée de l'Atlantique Nord, en 5 jours, 2 heures, 56 minutes et 10 secondes, soit 16 heures, 24 minutes et 30 secondes de moins que le précédent record établi par Thomas Coville en 2008 ! Un finish époustouflant où Francis Joyon a frisé à plusieurs reprises son record absolu de distance sur 24 heures (666,2 milles). En empochant ce nouveau record de la traversée de l'Atlantique nord en solitaire, Francis Joyon réalise l'exploit unique, de détenir en même temps les quatre plus grands records de la voile en solitaire : le record des 24h, le record de l'Atlantique, la Route de la Découverte et Tour du Monde, un grand chelem historique !
Credit : JM Liot/Idec/DPPI
"On peut encore gagner une demi-journée !"
"La fenêtre n'était pourtant pas très attrayante ! Mais on aime les paris avec Jean-Yves (Bernot, son routeur). Ca valait le coup de tenter. Et on est là pour jouer !
C'est sûr que le route très Sud m'obligeait à tenir des vitesses très élevées. J'avais alors l'avantage d'éviter les glaces du Nord et le brouillard. Mais il fallait bien compenser le surplus de route pour rester dans les temps ! Je dois avoir parcouru bien plus des 2900 milles officiels !
Je pense que cela m'a bien aidé de faire le record des 24 heures. J'ai alors découvert des vitesses cibles que je ne connaissais pas encore il y a un an et demi. Je suis en train de me rendre compte, malgré toutes mes années de multicoque, on peut leur en demander encore plus. Je ne sais pas si on peut aller chercher maintenant les 40 vitesses de noeuds. Je ne connais pas les limites de ces bateaux !
Malgré mon retard sur le début du parcours, j'avais confiance. Je savais que Thomas (Coville) avait fait une bonne route mais avait manqué de vent sur la fin. Et je pense qu'avec une configuration météo parfaite et une route plus proche de la route directe, on peut encore gagner une demi-journée !"
5 jours, 2 heures, 56 minutes et 10 secondes pour un exploit.
Mardi dernier, Francis Joyon décidait de se lancer à l'assaut d'un record de la traversée de l'Atlantique. Thomas Coville et son grand trimaran Sodebo avait en effet, le 12 juillet 2008 signé une remarquable performance à près de 21 noeuds de moyenne. Il avait suivi durant quasiment 4 jours une route particulièrement efficace au plus près de l'orthodromie, avant de subir à l'approche des îles Britanniques, un certain affaissement des conditions météos. Le scénario proposé en ce début juin à Francis Joyon s'est avéré totalement inversé, et la course contre la montre que s'est imposé Joyon s'est, durant plus de la moitié du parcours, teintée d'incertitudes.
La dépression au rendez-vous d'Ambrose
Si la puissance des éléments étaient au rendez-vous, avec d'emblée des coups de vent à 30 noeuds, c'est bien la direction prise par la dépression qui allait, trois jours durant, contraindre IDEC à pointer ses étraves plein est, prenant à certain moment la direction des Açores. Le déficit en milles par rapport à la trajectoire suivie voici 5 ans par Thomas Coville enflait régulièrement, à peine contenue par le rythme terriblement élevé tenu par Joyon. Joyon déplorait à cet instant un déficit dépassant les 140 milles.
Une conviction absolue
Joyon attendit ainsi son heure et au terme de 3 jours d'une navigation sous haute tension nerveuse, entrait dans son exercice favori, celui de la vitesse pure…650, 660.. et jusqu'à 665 milles étaient ainsi avalés par 24 heures dans cette seconde moitié du parcours, soit à un petit mille de son record de distance parcourue en une journée. "J'ai tenté de ralentir le bateau pour me reposer" explique Francis, "mais j'ai alors eu mauvaise conscience, et j'ai remis de la toile."
Une dernière nuit « tout schuss »
La dernière nuit, à l'approche du plateau continental, offrait une mer particulièrement piégeuse aux étraves d'Idec. "J'ai trouvé que le bateau plantait beaucoup. Dans la nuit noire, je n'y voyais goutte mais l'angle au vent était parfait. Alors j'ai remis du charbon." Les derniers milles, avec un vent légèrement refusant à l'approche des côtes contraignait Francis à naviguer travers au vent. Une configuration à peine moins rapide, mais qui garantissait une arrivée toujours ventée sur la pointe occidentale de la Cornouaille anglaise. "Je ressens un certain mélange d'émotion, la lassitude mais aussi l'euphorie d'avoir accompli la tâche que je m'étais fixée…"
2008 : Record du tour du monde absolu en solitaire
Le 19 janvier 2008 à 23 h 39 UTC, il coupe la ligne d'arrivée à l'entrée du goulet de Brest. Il bat ainsi le Record du tour du monde à la voile en solitaire en 57 jours 13 heures 34 minutes 6 secondes1. Il pulvérise le précédent record d'Ellen MacArthur de 14 jours 44 minutes 27 secondes et établit le deuxième meilleur chrono de tous les temps derrière le maxi catamaran Orange II, skippé par Bruno Peyron et ses 14 hommes d'équipage.
2012 : Record des 24 heures en solitaire
666.2 milles e une journée ! 1 237 KILOMÈTRES ! c'est le nouveau record de distance parcourue en 24 heures par un bateau à voile et en solitaire. Francis Joyon établissait fin juillet 2012 un nouveau record absolu de vitesse sur 24 heures, en tenant seul à bord de son trimaran géant de 29 mètres IDEC, l'époustouflante moyenne horaire de… 27,83 nœuds !
2013 Record de la Route de la Découverte
Le vendredi 15 février 2013 à 04 heures, 57 minutes, 30 secondes TU, soit à 05 heures, 57 minutes, 30 secondes en heure française. Avec un temps de course de 8 jours, 16 heures, 07 minutes, 05 secondes, Francis Joyon améliore de plus de 1 jour et 04 heures son propre chrono de 2008 (9 j 20 h 35 min). Sur les 3884 milles de l'orthodromie, la route théorique, il élève ainsi la moyenne à 18,66 noeuds. (distance réellement parcourue 4 379,5 milles à la moyenne de 21,04 milles).
Record de la traversée de l'Atlantique Nord
Juin 2013 : New York - Cap Lizard : 5 jours 2 heures 56 min 10 sec. Écart au record : 16 heures 34 min 30 sec.
Jean Yves Bernot, admiratif
"Nous échangions au demeurant très peu durant la course, un mail matin et soir, et très peu de conversation téléphonique. Il y avait un gros pari à prendre à partir ainsi mardi dernier. Il fallait avoir de la conviction. Au final, une très belle trajectoire. Avec Francis, on se fout de rallonger la route. Regardez cette belle trajectoire. Le routage, cela consiste à investir des milles pour gagner du temps. Et le temps, est la seule chose qui compte en record. Francis l'a compris.
Mais il est probablement le seul à qui on peut demander ce genre d'effort. On ne peut pas demander ça à n'importe qui. Avec Francis, on a l'impression qu'il peut aller vite longtemps, sans jamais s'arrêter. Ce record porte sa patte! du Francis tout craché! Il a été impressionnant! Il a probablement placé la barre au maximum de ce que cette génération de trimaran peut accomplir. Il faudra dorénavant des bateaux plus grands, plus haut sur l'eau, plus toilé aussi pour le détrôner. »
Record amélioré de 16 heures 34 minutes et 30 secondes.
Distance orthodromique : 2 865 milles • Vitesse moyenne : 23,30 noeuds
Distance sur le fond : 3 222 milles • Vitesse moyenne sur le fond : 26,20 noeuds
MAJ
Francis Joyon était attendu ce soir à Brest. Mais trop fatigué, le skipper d'Idec n'arrivera que demain lundi au port du Chateau où il est attendu vers 10 h.
Sources : Idec et ScanVoile