Jean-Pierre Dick, lauréat de la première édition de la Barcelona World Race avec Damian Foxall signe un formidable doublé en compagnie de Loïck Peyron. Loïck, quant à lui, remporte ici son premier tour du monde après deux podiums, dans le Vendée Globe et The Race.
©Virbac Paprec
Les derniers milles auront été marqués par l’absence de vent et c’est une arrivée toute en douceur que Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron ont pu savourer entourés par de nombreux bateaux spectateurs, parmi lesquels les familles, sponsors et équipes techniques des skippers. Les deux marins aussitôt la ligne franchie se sont sautés dans les bras à l’avant du bateau très émus d’en finir après plus de 3 mois de mer.A bord d’un plan VPLP-Verdier de toute dernière génération, construit comme tous les 60 pieds de Jean-Pierre chez Cookson en Nouvelle-Zélande, le tandem a réalisé une course presque parfaite. Fait notoire et presque incroyable, il la remporte après deux escales techniques : la première au Brésil (15 heures, entre le 15 et le 16 janvier), la seconde en Nouvelle Zélande (48 heures entre le 16 et 18 février). Et le tout, en raflant au passage, un record des 24 heures (506, 33 milles soit 21,1 nœuds de moyenne)
Mano a mano atlantique
Virbac-Paprec 3 prend la tête de la Barcelona World Race en Mer d’Alboran, le 2 janvier au classement de 15 heures, soit 2 jours après le départ de la capitale catalane. Le lendemain, à 19h55, il sort du détroit de Gibraltar en pôle position, les 13 autres monocoques à sa suite. A ce stade de la course et pendant presque un mois, son principal adversaire s’appelle FONCIA (Michel Desjoyeaux/François Gabart). Dès le début, les deux quasi-sisterships vont se livrer une bagarre terrible et alterner en tête du classement. A huit reprises, ils vont s’échanger la première place, jusqu’au 25 janvier, date du démâtage de FONCIA.
Le duel sera très serré au large du Cap Vert, puis en Atlantique Sud. Ironie du sort, les deux équipages vont se retrouver ensemble en escale forcée à Recife et se croiser dans le même appartement le temps de prendre une douche et de faire un petit somme. Le 15 janvier à 10h00, Virbac-Paprec 3 s’amarre en effet dans le port brésilien pour y réparer un rail de chariot de grand-voile arraché sur 2,50 mètres. L’escale technique va durer 15 heures. Ce sera ensuite une course poursuite après FONCIA (reparti plus tôt) lors d’un grand contournement de l’anticyclone de Sainte Hélène par la face Ouest où les deux rivaux déclencheront le mode furtif. Cette stratégie, loin de la majorité de la flotte qui a plutôt opté pour un flirt dangereux avec l’anticyclone, va permettre à Virbac-Paprec 3 et FONCIA (et dans une moindre mesure MAPFRE) non seulement de rattraper une partie du peloton qui les avait doublés pendant l’escale, mais aussi de le dépasser, puis de le distancer. S’en suit un concours de vitesse en direction du cap de Bonne Espérance au cours duquel le monocoque bleu décroche, le 22 janvier, le record de distance sur 24 heures, homologué par le WSSRC à 506,33 milles (de 21,1 nœuds de moyenne). A force de pédaler comme des fous, Jean-Pierre et Loïck parviennent à doubler Michel Desjoyeaux et François Gabart et à rependre le contrôle de la course le 23 janvier. Le démâtage de FONCIA le 25 janvier au petit matin les prive bientôt d’adversaire… Mais pas pour longtemps. Bientôt, c’est l’équipage de MAPFRE qui va endosser le rôle du meilleur ennemi.
Wellington relance la donne
L’écart avec Iker Martinez et Xabi Fernandez va fluctuer énormément. Dans l’océan Indien, il se montera à 781 milles (le 7 février) pour retomber dans le Pacifique à 8,3 milles (le 25 février) après une deuxième escale technique de 48 heures en Nouvelle-Zélande.
Le 16 février, Jean-Pierre et Loïck font relâche à Wellington pour y changer leurs chariots de lattes de grand-voile défectueux et réparer une bulle de roof, explosée dans une tempête de l’océan Indien. Ils en repartent avec une météo idéale, mais avec l’équipage espagnol à leurs trousses. MAPFRE, qui ne s’est pas arrêté, ne relâche pas la pression. Jean-Pierre et Loïck résistent, passent le 3 mars le cap Horn en tête comme ils avaient franchi Bonne Espérance et Leeuwin et profitent de problèmes de drisse du tandem basque pour prendre à nouveau la poudre d’escampette dans la remontée de l’Atlantique. Une fois de plus, ils négocient parfaitement l’anticyclone de Sainte-Hélène. Ils ne seront plus vraiment inquiétés par la suite, malgré un passage du Pot au Noir chaotique, plus de 15 jours de navigation au près et une traversée épique du détroit de Gibraltar, avec 40 nœuds de vent dans le nez… La boucle est bouclée aussi magistralement qu’en 2008 où Jean-Pierre était sorti puis entré en Méditerranée en première position.
Cette association de gentlemen navigateurs, entre deux marins mûrs et expérimentés avait déjà porté ses fruits puisqu’ils avaient remporté ensemble la Transat Jacques Vabre 2005. « Le secret de notre alchimie est le respect et l’écoute mutuelle » déclarait Jean Pierre, la veille de passer la ligne d’arrivée. « Une bonne communication ça génère de belles trajectoires, une meilleure vitesse du bateau ».
Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 : « C'est extraordinaire. Deuxième victoire avec à chaque fois avec un bateau neuf. Le fait de revenir d'Auckland nous a aidé à fiabiliser Virbac-Paprec 3. Avec Loïck c'était magique. On a profité. J'ai pris énormément de plaisir. Ce Tour c'est un ensemble de petites choses. On se connaissait déjà un peu. L'expérience commune des deux skippers. Ce sont des éléments clés pour gagner. Plein d'images de ce Périple : le Cap Horn. Je ne l'ai jamais passé aussi près. Nous avons pu vous le faire partager en direct à terre. La Patagonie est magique. C'est mon plus beau moment de mer. Nous sommes en forme après 3 mois. On a adapté le rythme de Loïck. Avec Damian c'était plus strict, à l'anglo-saxonne. »
Loïck Peyron, Virbac-Paprec 3 : « C'est exceptionnel. Mon troisième Tour du monde. Le premier en solitaire. Le second en équipage. Ce troisième en double. Et nous l'avons gagné, dominé malgré une belle concurrence. C'était agréable. Cela fait du bien de finir et de bien finir. La réussite vient d'une vraie cohésion, nous sommes complémentaires. Le fait de savoir-faire du solitaire. Cela permet de mettre en confiance l'autre. La réussite vient aussi d'avoir une très belle machine sous les pieds. On a fait cette nuit une erreur. Sûrement le relâchement avant l'arrivée. Un vrai travail bien fait. Mon souvenir : les albatros. C'est ce qu'il y a d'unique au monde dans ce coin de la planète. Nous avons la chance de les voir. »
Source : barcelona World Race