« C’est incroyable, je passe le Horn avec vous. Je suis avec Neutrogena (NDLR un des monocoques de la Barcelona World Race) qui est à 50 mètres de moi ! C’est la première fois que je passe aussi près. Je suis à 200 mètres ». Il est exactement 12h24, heure française, le petit matin au Cap Horn, quand Thomas Coville en pleine vacation audio annonce qu’il franchit la longitude du Cap Horn en direct.
Une émotion teintée d’excitation
Il y a encore quelques heures, le marin solitaire affrontait une tempête, un vrai coup de chien avec des creux de 6 à 8 mètres et des vents soufflant en rafales à 50 noeuds : « Dans ces moments là, » confiait Tom, « je peux vous affirmer qu’on se sent tout petit. » C’était la nuit et à l’instinct, il avait pris un troisième ris dans la grand voile. « Rien ne me forçait à le faire » explique-t-il. L’instinct de survie sans doute et l’expérience surtout.
Car tous les marins du monde l’affirment : si le Pacifique est bien le plus vaste océan du monde, c’est aussi le plus redoutable avec des vents violents qui tournent sans répit autour de l’Antarctique et des vagues féroces levées par des fosses de plus de 10 000 mètres.
Nommé ainsi au 16ème siècle par un certain Magellan qui y a certainement rencontré des calmes, le Pacifique Sud ressemble plutôt à un champ de mines pour les coureurs d’océans qui n’ont qu’une hâte : en sortir au plus vite ! Et c’est bien le cas aujourd’hui pour le skipper de Sodebo qui surnomme très justement la pointe en forme de scorpion du continent sud américain : « le Cap de Bonne Délivrance ».
On pouvait d’ailleurs entendre le soulagement de celui qui quitte les eaux hostiles du Pacifique. « Dans ces moments là, tu deviens amnésique. Tu oublies tes souffrances de ce parcours très engagé où tu es toujours sur le fil du rasoir ».
En direct avec FRANCK CAMMAS
Et puis grâce aux miracles des télécommunications, Thomas répond à Franck Cammas lui-même en mer dans le Golfe de Gascogne en entraînement à bord de son VOR 70. Ils se souviennent ensemble du Cap Horn qu’ils ont passé le 4 mars 2010, il y a tout juste un an. Ils évoquent la remontée de l’Atlantique et les conditions acceptables que le skipper de Sodebo devrait rencontrer, du moins au début « avec du vent au près pour commencer, une aile de mouette à négocier dans l’anticyclone pour aller choper les alizés ». Et puis le solitaire s’épanche sur sa condition de solitaire pour reconnaître qu’il pense souvent à cette expérience en multicoque à 10 et qu’il regrette parfois de ne pas avoir à bord une troisième main pour l’aider. « Ce que je tente appartient à l’extrême, » avoue-t-il.
Alors qu’il évoque la nuée d’oiseaux qui l’accompagnent comme une note de civilisation retrouvée au moment de contourner « ce caillou, un gros rocher avec sa colline et ses herbages qui descendent jusque dans l’eau comme une étrave », le skipper qui vient de passer 38 jours sans voir une once de terre poursuit pour « dédier ce Cap Horn à tous ceux qui ont dans la tête ou dans le cœur, un projet, » leur conseillant « de le tenter même si ça paraît fou. »
Le chrono comme adversaire
Concentré depuis 38 jours soit plus de 5 semaines sur ce temps exceptionnel réalisé par Francis Joyon en 2008, le skipper de Sodebo aligne les milles avec une constance d'extra terrestre. Parti de Brest samedi 29 janvier, Thomas Coville comptabilise déjà 19 186 milles au compteur, presque 20 000 milles qu’il a parcouru à une moyenne de 21,03 nœuds. Le solitaire de Sodebo traverse les océans comme une fusée avec comme vitesse cible une moyenne de 20 nœuds. Il lui reste 7000 milles en ligne droite pour atteindre Brest. Lui qui s’acharne à vivre dans l’instant présent, qui s’oblige à se focaliser sur sa vitesse et qui « évite de se prendre trop la tête en se repassant le même film à l’infini, » tente de résister comme il peut à la pression de ce chrono qui tourne sans s’arrêter. Mais le compétiteur qu’il est, sait surement qu’il a 19 jours, 13 heures, 16 minutes et 34 secondes devant lui pour battre le record du tour du monde en solitaire qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 06 secondes.
En se lançant dans la bataille du Pacifique, Tom s’était fixé comme objectif d’avoir moins de 1000 milles de retard au Cap Horn pour entamer la remontée de l’Atlantique dans des conditions psychologiques plus confortables qu’il y a deux ans où il avait plus de 4 jours de retard. En franchissant aujourd’hui mardi 8 mars la longitude du Cap Horn, il a 687 milles de retard sur Idec. Tout est encore plus que possible. Francis Joyon avait dû ralentir derrière le Cap Horn pour réparer son bateau. Celui de Thomas est apparemment en parfait état à l’exception de deux lattes de grand voile qui se sont brisées net dans un départ à l’abattée il y a quelques jours. Quand au défi physique que représente les 7000 milles qui restent à courir, cela ne semble pas préoccuper le skipper de Sodebo.
Source : Sodebo
Record / Sodebo a passé le Horn à 12h24 HF (Vidéo)
Publié par
ScanVoile
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3/08/2011 05:20:00 PM
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